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SOCIALISTES MODERNES.
mosphère se tempéra encore ; la terre éjaculait de nouveaux métaux, de nouveaux porphyres, de nouveaux marbres, qui se dressaient en montagnes, ou se répandaient en masses profondes et souterraines.
« À plusieurs fois ces choses se répétèrent.
« Et à chaque fois, Dieu envoyait à la Terre un messager dont l’approche la faisait tressaillir. L’astre porteur de nouvelles allait ensuite au loin réjouir les mondes de la chaleur vitale qu’il avait empruntée à la terre au sein de leur majestueuse communion.
« À chaque fois, c’était pour la terre d’immenses joies.
« Mais à chaque fois, c’était pour elle aussi de grandes douleurs ; car, pendant que les porphyres, les marbres, les serpentines, les granits, le plomb, le cuivre, l’argent, l’antimoine, le platine, l’or, le fer, l’étain, et tous les métaux, bouillonnaient dans ses veines, c’était une fièvre chaude qui la dévorait. Pendant que son axe incertain se balançait, et que la mer poussait d’un pôle à l’autre ses flots écumans, c’était un spasme nerveux ; pendant que l’atmosphère se condensait en torrens, c’était une sueur froide qui lui ruisselait sur le corps ; pendant qu’une vie nouvelle lui surgissait, c’était les angoisses de l’enfantement.
« Et elle s’écria avec douleur : « Le bien-aimé ne viendra-t-il donc pas ? »
« Il viendra, dit le Seigneur ; car telle est ma promesse. Mon dernier messager va partir, et il restera auprès de toi comme témoin de ma parole ; chaque jour il réjouira ta vue de l’aspect de sa face au teint d’argent. En mémoire des ébranlemens que tu as ressentis à l’approche de mon messager, il fera mollement balancer tes eaux, et les enverra chaque jour lécher les pieds des continens.
« Va, dit le Seigneur, achève ta parure. »
« Ivre d’amour, elle déchaîna les fleuves, les vents, la foudre et les feux souterrains. Voulant exciter les transports de l’époux par un présent magnifique, elle se déchira les flancs, les pétrit et les étendit en plaines riantes, couvertes d’arbres, de fleurs et de troupeaux, là où étaient des rochers affreux et de pestilentiels marécages : elle tamisa les montagnes, en sépara l’or des diamans, et les sema sur les plages où le bien-aimé devait descendre, et dans les riches vallées où il devait s’asseoir.
« Elle entassa dans des cavernes, elle engloutit dans la poussière pâteuse des rochers, elle ensevelit sous des coulées de basalte et de lave, les hippopotames hideux, les tigres et les rhinocéros géans, et les innombrables bandes d’ours et d’hyènes qui régnaient sous le soleil. Avec eux, elle enfouit à de plus grandes profondeurs les palestrines et d’autres bêtes aux formes repoussantes et aux effroyables cris.
« Le bien-aimé était venu. La terre eut aussi un soleil de nuit, qui,