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céda même dès-lors à un système d’affiliations, suivies et nombreuses. Quoique les apôtres eussent été obligés de renoncer à la presse, comme influence périodique, ils s’en servirent par intermittence, pour prêcher leurs idées dans des brochures et dans des livres. Ces ouvrages n’étaient point un cours complet de la philosophie de Saint-Simon, mais seulement des thèmes industriels ou scientifiques, développés d’après la méthode et selon le critérium de la doctrine.

Bientôt aussi un enseignement oral s’ouvrit dans une salle, rue Taranne, et M. Bazard y poursuivit, dans une longue suite de conférences, l’Exposition complète de la foi saint-simonienne. Alors les initiations allèrent chaque jour en augmentant ; l’école se recruta surtout parmi les hommes qui se paient le moins de rêveries, parmi les élèves de l’École Polytechnique, ce sanctuaire des sciences positives. C’est à cette date qu’il faut rapporter les affiliations de MM. Carnot, Michel Chevalier, Fournel, Dugied, Barrault, Charles Duveyrier, Talabot, et quelques autres qui, avec MM. Bazard, Enfantin et Rodrigues, premier trinôme saint-simonien, composèrent le noyau de philosophes et de prêtres qui devaient plus tard constituer ce que l’on nomma le grand collége.

L’enseignement de la rue Taranne fit faire un grand pas à la doctrine. Les matières se trituraient en commun entre MM. Bazard et Enfantin ; ce dernier pressant toujours l’autre, éveillant les questions une à une, et les livrant ensuite à la déduction nerveuse, à la sagacité didactique de son collègue. Après avoir parcouru et réglé dans le Producteur la série des faits industriels, les esprits impulsifs de l’école expliquèrent, dans l’Exposition orale, les autres phénomènes de l’activité humaine et dirent la loi qui devait féconder son avenir. Ce n’était plus alors une démonstration étriquée et partielle ; c’était la science générale qui allait dérouler ses magnificences.

La première partie de cette Exposition de la doctrine ne contenait que fort peu d’indications organiques. La critique y dominait le reste ; elle s’y était fait une large part. C’était le vieux monde en présence du nouveau ; l’un sur la sellette, l’autre sur un fauteuil de juge. Dans un débat ainsi posé, on devine quel devait être le vaincu.

L’Exposition commence par déplorer la situation douloureuse dans laquelle se trouve la société européenne. La lutte et l’anta-