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LE MAROC.

des musulmans, il est ouvert comme le leur et exposé à tous leurs outrages. Les femmes maures ne manquent jamais de se détourner en passant afin de venir souiller les tombes des mécréans. C’est chez elles une affaire de dévotion et presque un article de foi. Ainsi le fanatisme poursuit jusque dans son dernier asile le peuple infortuné d’Israël. À quelque distance du cimetière, vers la mer, il y a de beaux massifs de verdure coupés de genêts, de chèvrefeuille et de hauts aloès. Tout ce côté de la ville est très pittoresque, et il a de brusques échappées sur la baie bleue et tranquille, et sur le détroit toujours bouillonnant.

Quoique bien barbare encore par les croyances et par les mœurs, Tanger est cependant déjà altéré dans son originalité primitive ; on y sent le contact des Européens, et je désirais voir, sans m’enfoncer dans les terres, une ville arabe qui eût mieux conservé son individualité et son cachet natif. On m’indiqua Tetouan, qui n’est qu’à douze lieues de Tanger, et qui est une des villes importantes de l’empire, par son étendue, sa population, son commerce et sa position voisine de la Méditerranée, à proximité de Gibraltar. Mes préparatifs furent bientôt faits. Le consul demanda et obtint pour moi du kaïd un soldat pour m’accompagner, — c’est le passeport du pays, — et il fit rédiger par son taleb (érudit) une belle lettre arabe pour recommander au bacha de Tetouan l’illustre et savant voyageur français. L’épître fut pliée en long, suivant les lois de l’étiquette indigène, et armée au centre et aux deux extrémités du sceau consulaire. Ainsi confectionnée, la dépêche n’avait guère moins d’un pied, forme plus imposante que commode. Nos poches européennes ne sont pas taillées pour cela.

Quelques jeunes gens des consulats m’avaient demandé à être du voyage ; nous partîmes quatre.


Charles Didier.