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REVUE. — CHRONIQUE.

Le parlement a entamé la discussion du bill qui prétend réformer le temporel de l’église anglicane. On conçoit que l’église elle-même sanctionne les principes de cette mesure débonnaire, et qu’elle ait la magnanimité de l’appuyer. La douloureuse réforme, en effet, pour le clergé, que celle qui laisse à l’archevêque de Cantorbéry un traitement de 15,000 livres sterling, et, proportionnellement, des revenus analogues aux évêques inférieurs dans la hiérarchie !

Mistress Norton n’a pas quitté Londres pour Paris, ainsi qu’on l’avait assuré. Il était au contraire question, la semaine passée, d’une fête brillante que le duc de Devonshire devait lui donner en manière de réparation d’honneur. C’est dommage que cette générosité ait tout l’air de demeurer un bruit de salon. Il eût suffi d’une mazurque dansée à Devonshire-House par sa grace avec mistress Norton, pour réhabiliter partout ailleurs la petite-fille de Sheridan. Mais tout ami qu’il soit du ministère Melbourne, le noble duc aura réfléchi que le monde exclusif du West-End se compose de dix tories contre un whig. Il n’aura pas eu le courage de compromettre si gravement sa haute autorité fashionable.


En Espagne, la guerre civile s’est un peu ranimée, devançant le réveil prochain de la guerre parlementaire. Il ne paraît pas toutefois que le retour de Cordova à l’armée ait amené jusqu’à présent la réussite des savantes combinaisons stratégiques qu’il annonçait. Loin de là, ont dit quelques correspondances, l’une des colonnes de Villaréal se serait portée sur les Asturies à travers les Anglais et les christinos. Cette évolution fût-elle réelle, le gouvernement de Madrid n’aurait pas à s’en effrayer beaucoup. Ce ne serait encore là probablement qu’une de ces trouées téméraires, mais sans résultat, qui exercent depuis trois ans l’agilité des troupes carlistes.


La nouvelle du désastre de Santa-Anna n’est plus douteuse. Voilà le Mexique sans président et son armée sans général. Ce double échec pourra faciliter promptement le triomphe de l’insurrection de Houston. Le Texas se précipiterait vite alors dans les bras des États-Unis, dont l’hypocrite convoitise ne cherche depuis long-temps qu’un prétexte honnête pour s’emparer de cette riche province. L’esclavage est chez elle en suprême honneur ; n’est-ce pas là un titre suffisant et qui la rend digne d’être agrégée d’emblée à la grande république fédérative ? Ainsi l’admission du Texas, une fois votée par le congrès, l’Union cesserait même d’être également partagée entre les états à esclaves et les états qui interdisent le trafic de la race noire. Les premiers gagneraient la majorité ; ils seraient quatorze contre treize. L’honorable conquête qu’aurait faite la terre-modèle des pays et des hommes libres !