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REVUE. — CHRONIQUE.

il y a moins de six mois, que la réforme ne devait seulement pas songer aux changemens organiques.

Ainsi la pairie est mise en demeure, et non plus uniquement par les radicaux, mais par les whigs eux-mêmes. Il faut qu’elle cède, et avant peu, ou le maintien de la constitution devient impossible, c’est-à-dire qu’il devient indispensable de réformer la pairie. Cédera-t-elle cependant ? pourra-t-elle céder ? Engagée comme elle est dans le chemin difficile où l’a jetée lord Lyndhurst, pourra-t-elle revenir sur ses pas ? Vraiment, pour une petite satisfaction qu’il a donnée à leur orgueil, ce n’est pas encore ce dernier vote des lords qui a beaucoup assuré leur avenir, non plus que cette dignité dont ils sont si jaloux.

La chambre des communes, qui continue d’être patiente et de ne se point décourager, vient de consacrer encore une fois le principe d’appropriation du bill des dîmes irlandaises. De ce que la majorité réformiste, qui l’a voté, s’est trouvée moins nombreuse qu’elle ne l’est d’ordinaire, il ne faut point conclure qu’elle se soit affaiblie ou divisée. Il s’agit ici d’une question à part, d’une question religieuse, non point d’une question de liberté politique. Il y a en Angleterre, et surtout au parlement, nombre de consciences libérales qui n’ont pas secoué le joug du préjugé protestant. Pour elles, retrancher le moindre denier du revenu de l’absurde église anglicane importée en Irlande, ce serait une sorte de sacrilége. C’est déjà beaucoup, et on ne devait pas l’espérer, que dans une chambre élue sous la double influence du clergé et des tories, il se soit rencontré plus de trois cents membres résolus à établir la tolérance et l’égalité religieuses, et qui, à force de persévérance, aient su rendre ces principes presque universellement populaires. Si les lords eussent été raisonnables et habiles, ils se fussent néanmoins bornés à concentrer leur résistance sur le terrain de ce bill des dîmes irlandaises. Au moins cette position était tenable. Ils avaient de leur côté une imposante minorité dans les communes. Mais leur opposition, aveugle, violente, systématique, ne profitera qu’à leurs adversaires. Avec le simple refus d’abolition de la dîme, O’Connell eût sans doute agité l’Irlande plus vivement cette année que les précédentes : il ne l’eût pas unie et soulevée comme un seul homme, ainsi qu’il va faire armé d’un rejet du bill des corporations. La lettre qu’il vient d’adresser à ses compatriotes, et qui leur recommande le rétablissement de l’association catholique sur une base élargie et plus solide, aura certainement des résultats aussi prompts qu’efficaces. Que l’on calcule l’action de ce puissant levier que ne retiendra plus, mais que soutiendra et fortifiera la main du gouvernement lui-même.

Les whigs ont été bien inspirés, le jour où ils se sont rallié le grand agitateur, et les tories, au contraire, sont bien imprudens et maladroits