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DE L’ESPAGNE ET DE SON HISTOIRE.

munauté de dynastie n’en fut pas le principe, car elle ressortait de la nature des choses. La branche des Bourbons, transplantée au-delà des Pyrénées, subit, d’ailleurs, promptement l’influence de l’immobilité péninsulaire, d’une manière aussi complète que la triste dynastie qu’elle avait remplacée. Sous des règnes obscurs, l’Espagne continua de courir rapidement vers sa décadence ; si des tentatives souvent irréfléchies de réforme eurent lieu dans son organisation civile et financière, dans le cours du xviiie siècle ; si de Macanas à Jovellanos, de l’intendant Orry à d’Aranda, Florida-Blanca et Olavide, on suit le progrès constant d’une école économique et administrative dans le sens de la centralisation moderne, il n’y a rien là qui se puisse directement rapporter à l’influence de la dynastie française ; des essais analogues avaient lieu en Autriche et en Toscane pour ne pas dire en Russie ; c’était comme le lointain retentissement des idées et surtout des passions contemporaines. Ces novateurs, plus théoriciens qu’hommes de pratique, que la royauté ne secondait que par boutades et que le peuple repoussait toujours, échouèrent contre les intérêts et bien plus encore contre les mœurs ; le mouvement essayé par Charles III était sans racines et sans avenir, ses ministres le conçurent trop à la manière de Joseph II dans les Pays-Bas. Tout cela était pour aboutir aux turpitudes de son successeur, qui monta sur un trône qu’on disait solide, parce qu’autour de lui il se faisait un profond silence : mais ce silence fut interrompu par un coup de tonnerre, et depuis ce jour une nue orageuse enveloppe l’Espagne et son avenir.

La succession étrangère n’a donc imposé à ce pays que des sacrifices tout aussi inutiles à son avancement intellectuel qu’à ses intérêts nationaux. Peut-être en l’appréciant autrement, ne se dégage-t-on pas assez des impressions contemporaines, et parce qu’on espère aujourd’hui la régénération de l’Espagne d’un retour à sa vieille loi de succession féminine, est-on disposé à transformer en principe de progrès ce qui n’est qu’un accident heureux.

Autant que personne, je forme des vœux pour la consolidation du gouvernement dont le sort est si étroitement lié dans la Péninsule à celui de tous les hommes de quelque poids, par leurs lumières ou leur position sociale, gouvernement auquel il manque beaucoup sans doute en force et en dignité, mais qui, dans sa chute, signalerait le triomphe de la démagogie des villes et de la déma-