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riale finit par amener l’absorption morale ; en Espagne, la réunion par mariage d’états indépendans les maintint en face de la couronne de Castille dans une attitude d’égalité et de complet isolement. Voyez encore, au commencement du xviiie siècle, l’énergique concours que les états de Castille prêtaient à Philippe d’Anjou, et celui que les provinces dépendantes de l’ancienne couronne d’Aragon accordaient à l’archiduc.

Le principe qui a fondé la nationalité française eût concouru à fonder aussi la nationalité péninsulaire. L’effet de la loi salique eut été plus lent peut-être, mais certainement il eût été plus sûr. Notre régime des apanages n’était pas même à cet égard d’une rigoureuse nécessité ; à l’extinction des branches régnantes, mieux eût valu recourir, au besoin, à la succession bâtarde qui donna au Portugal le fondateur de la dynastie d’Avis, et son chef même à la maison de Bragance, que d’engager l’Espagne dans un système qui ne lui prêta qu’une force factice en échange de la force native dont elle la dépouillait.

On vient de dire à quel abaissement politique la dynastie autrichienne avait conduit l’Espagne ; la dynastie française ne servit guère mieux ni sa prospérité, ni sa gloire.

Le plus grand malheur qui eût pu arriver alors à la Péninsule eût été la réalisation du mot fameux de Louis XIV. Ce n’était pas l’espérance de rattacher un grand royaume au mouvement général du monde qui inspirait au monarque français le vœu qu’il n’y eût plus de Pyrénées. Dans sa bouche, ce désir avait une portée purement politique, il entendait dire seulement qu’Aranjuez serait une dépendance de Versailles comme Trianon, et qu’il y régnerait par procureur. S’il ne l’avait pas ainsi compris, Louis XIV n’eût pas manqué de s’en tenir au traité de partage de 1700 et de repousser le testament.

Quant aux bienfaits dont l’établissement de la maison de Bourbon et plus tard le pacte de famille ont pu doter l’Espagne, ils sont au moins problématiques. Après Philippe V, plus occupé de ses intrigues en France et des projets d’une femme et d’un ministre ambitieux sur l’Italie que des intérêts vitaux de sa patrie adoptive, ses successeurs s’engagent dans des conflits maritimes souvent sans but et toujours sans profit. Si, en face de l’Angleterre, l’alliance franco-espagnole était une heureuse nécessité pour les deux pays, la com-