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REVUE DES DEUX MONDES.

M. Turner ? dites-vous, surpris et incrédule. — Vous avez raison : bien peu les ont vues ; et ceux qui les voient, ce sont les inspirés ou les malades, les artistes choisis, les poètes.

Il ne faut pas s’étonner que des étrangers n’admettent pas d’emblée toute la puissance et toute l’originalité de ce téméraire génie. À peine est-il bien reconnu chez les siens. Il n’a même là qu’un nombre fort limité de véritables admirateurs. Au moins ceux-là sont-ils dévoués et fanatiques. On émettait devant l’un d’eux le doute que le ciel eût jamais eu la couleur jaune d’ocre que M. Turner lui avait donnée dans l’un de ses plus féeriques paysages : — Tant pis pour le ciel, s’écria le croyant ; s’il n’a pas pris encore cette couleur, il a eu grand tort, et il la prendra certainement quelque jour.

Redescendons vite au second étage ; les petits cadres et les petits portraits ne nous retiendront guère, malgré leur respectable quantité.

J’estime fort, mais voilà tout, les nombreuses aquarelles-portraits de M. Chalon, l’académicien.

Deux copies sur émail, de M. Bone, d’après Van-Dyck, sont d’habiles et heureuses reproductions de leurs glorieux modèles.

Il y aurait beaucoup à louer de détails, dans la foule serrée des miniatures, beaucoup de soin, de délicatesse, de savoir-faire et de fini. Il conviendrait de recommander principalement M. Barclay, M. Denning, M. Roberston, M. Ross, M. Booth, M. Rochard et M. Newton. Parmi tous les petits chefs-d’œuvre de grâce extérieure et d’exécution matérielle qu’ont exposés ces artistes divers, je confesse toutefois avoir cherché vainement un visage qui me montrât son âme et m’y laissât lire, comme la moins achevée des figures de Mme de Mirbel.

Nous sommes au rez-de-chaussée, où nous attendaient les sculptures, et dans une obscurité presque complète, grâce à la proximité du sol et aux ténèbres que continue de nous faire le mois de mai. N’importe ; la blancheur des marbres percera bientôt cette nuit malencontreuse.

C’eût été un beau sujet, placé à la porte de la salle où nous entrons, que la Sculpture pleurant le repos de M. Chantrey. M. Chantrey ne se lasse pas de son inaction ; il n’a rien produit encore cette année. Ce n’est pas l’âge pourtant qui lui a engourdi la main