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LES HIÉROGLYPHES ET LA LANGUE ÉGYPTIENNE.

la réalité des rapports qu’il a cru apercevoir entre cette langue et les résultats de ses lectures.

Assurément les théories de M. Champollion sont fort ingénieuses ; elles sont séduisantes, il y a du vrai sans doute, mais nous venons de voir qu’il n’en faut pas demander la démonstration à la langue copte, et nous savons que dans cette langue se trouve la seule démonstration possible. Le problème du déchiffrement des hiéroglyphes n’est donc point encore complètement résolu, comme on a pu le croire. D’heureux détails sont trouvés, ils resteront ; mais les bases de la solution ne sont point encore arrêtées. Il faut revenir au point où nous avait amenés la lecture des noms étrangers. Cette lecture nous a fait connaître qu’il existe de nombreuses inscriptions hiéroglyphiques sculptées à l’époque où l’on parlait, sur les bords du Nil, la langue copte, que nous possédons. Trouver le rapport de ces écritures sacrées avec le langage de ceux qui les ont tracées, voilà ce que nous devons encore nous proposer. Il est cruel de rétrograder quand on se croyait près du but ; mais nous savons au moins aujourd’hui que le but ne saurait nous échapper. M. Champollion nous a laissé des copies exactes des légendes hiéroglyphiques de toutes les époques ; les riches salles du musée égyptien renferment assurément tous les élémens nécessaires pour arriver à une connaissance complète du système graphique des anciens Égyptiens. Malheureusement le dépôt des manuscrits coptes ne s’est point enrichi de même par le voyage de M. Champollion ; il est toujours borné à une soixantaine de volumes, parmi lesquels se trouvent un grand nombre de doubles ; ce que M. Champollion n’a pu faire, faute du temps nécessaire, il serait à désirer qu’on le fit aujourd’hui. Il existe, comme nous l’avons dit, dans les divers monastères de l’Égypte, de nombreux manuscrits qui, tout en nous permettant de rectifier et de compléter la grammaire et le dictionnaire coptes, et d’acquérir ainsi une connaissance aussi exacte que possible de la langue égyptienne, seule clé des hiéroglyphes, nous offriraient assurément des documens précieux pour l’histoire politique et religieuse de l’Égypte depuis l’ère chrétienne, et peut-être pour l’histoire antérieure, des renseignemens importans sur la géographie, sur les croyances, les usages, les mœurs. Les résultats d’un voyage de recherches ne sont point incertains. La vallée du Nil présente à faire une ample moisson dans les trois dialectes de l’ancienne langue égyptienne ; moisson que le temps et l’ignorance appauvrissent chaque jour.


Dr Dujardin.