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LES HIÉROGLYPHES ET LA LANGUE ÉGYPTIENNE.

mystérieux dont on s’est plu souvent à entourer la science pour n’en permettre l’abord qu’aux initiés, cite comme exemple de ces obstacles multipliés l’usage qui, de son temps, c’est-à-dire vers la fin du iie siècle, régnait encore chez les Égyptiens. L’on ne pouvait atteindre que par des degrés successifs le terme le plus élevé de l’instruction, qui était la science des hiéroglyphes. Il résulte bien clairement de là que la science des hiéroglyphes n’était rien moins qu’une chose facile, et l’on pourrait, avec toute apparence de raison, affirmer que saint Clément n’a point vu dans les hiéroglyphes une écriture presque entièrement alphabétique. Il parle cependant de l’emploi des caractères hiéroglyphiques comme caractères alphabétiques. L’écriture hiéroglyphique, dit-il, s’emploie suivant deux méthodes ; l’une représente les objets d’une manière propre à chacun d’eux à l’aide des premiers élémens, c’est-à-dire des lettres de l’alphabet : car, quand il s’agit d’écriture, les premiers élémens sont les lettres de l’alphabet ; nous trouvons, en effet, ces lettres désignées plusieurs fois sous le nom de premiers élémens de l’écriture dans la Préparation évangélique d’Eusèbe. L’autre méthode représente les objets d’une manière figurée ou symbolique ; c’est celle dont viennent de nous parler Diodore de Sicile et Ammien Marcellin. De cette distinction faite par saint Clément, il résulte qu’il a voulu signaler la méthode au moyen de laquelle on écrivait les noms étrangers si fréquemment employés dans les décorations hiéroglyphiques ; mais il est évident, par l’ensemble du passage, que cet alphabet hiéroglyphique phonétique ne pouvait être qu’un accessoire peu considérable du système total. Il devait servir à exprimer des noms propres étrangers, des noms de peuples, de pays, de villes, des mots empruntés aux langues étrangères, quelques mots de la langue égyptienne elle-même, lorsque pour représenter une action faite par des étrangers, ou à la manière des étrangers, on voulait éviter l’emploi d’un symbole qui, rappelant le mode d’action égyptien, pouvait donner une idée fausse. La pierre de Rosette nous offre un exemple assez remarquable de l’expression alphabétique d’un mot égyptien ; il est question d’écrire le décret en lettres sacrées, en lettres vulgaires et en lettres grecques ; un même symbole, rappelant les procédés d’écriture employés par les Égyptiens, se trouve répété deux fois pour exprimer les lettres sacrées et les lettres vulgaires de l’Égypte ; mais, comme la méthode d’écriture des Grecs différait complètement de celle des Égyptiens, quand il s’agit d’exprimer les lettres grecques, ce n’est plus le symbole précédent que l’on emploie, c’est le mot lettres, emprunté à la langue égyptienne que l’on écrit à la manière alphabétique. Les symboles égyptiens, rappelant à la fois une action, et la manière de faire cette action, il aura fallu recourir à la méthode alphabétique toutes les fois que l’on aura