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LES HIÉROGLYPHES ET LA LANGUE ÉGYPTIENNE.

noms royaux, le problème si long-temps insoluble du déchiffrement des hiéroglyphes laissant entrevoir une solution non seulement possible, mais probable, mais prochaine, on dut songer à réunir tous les élémens qui devaient faciliter, accélérer cette solution ; d’une part, tous ces monumens décorés depuis le commencement de l’ère chrétienne, n’avaient été, n’avaient pu être qu’incomplètement dessinés. D’un autre côté, la langue copte ne nous était que très imparfaitement connue, et nous ne possédions qu’un fort petit nombre de manuscrits, dont la plupart avaient été rapportés d’Égypte en 1674 par Vansleb. Il était indispensable d’aller copier dans tous leurs détails des monumens auxquels chaque jour emporte un débris, et de recueillir dans les monastères qui les avoisinent les nombreux et précieux manuscrits que tous les voyageurs y ont vus ; manuscrits qui ne sont plus compris de leurs possesseurs, et que mille accidens divers peuvent anéantir chaque jour. Cette double mission appartenait naturellement à M. Champollion, dont les riches découvertes en avaient fait sentir la nécessité. Il fut donc envoyé pour arracher à la destruction et livrer à la science ces inscriptions, dont le sens ne pouvait plus nous échapper, et les restes de cette langue copte, qui seule nous en pouvait fournir la clé.

Mais pour remplir la double mission dont il s’était chargé, il eût fallu à M. Champollion un temps double de celui dont il pouvait disposer ; car il ne s’agissait pas seulement de choisir et d’acheter : maintes fois les moines égyptiens ont refusé de vendre des manuscrits qu’ils ne peuvent lire ; il eût fallu copier ce que l’on n’eût pu obtenir autrement. M. Champollion dut s’occuper d’abord des monumens. La moisson fut tellement abondante, que le temps fixé pour la durée du voyage était entièrement écoulé avant qu’elle ne fût épuisée. M. Champollion fut obligé de revenir, rapportant un portefeuille riche, inappréciable, ayant fait tout ce qu’il était possible de faire pour fournir à la question un de ces deux élémens indispensables, la connaissance exacte des écritures, et laissant à d’autres les fatigues nouvelles par lesquelles on pouvait obtenir le deuxième élément, la connaissance complète de la langue copte.

Privé d’une partie des moyens qu’il avait lui-même jugés nécessaires au succès, M. Champollion n’hésita point cependant à marcher en avant. Il se sentait trop près du but pour ne pas essayer de l’atteindre à l’aide des ressources dont il pouvait disposer. Placé naturellement sous l’influence des brillans résultats que lui avait fournis la lecture des noms propres par la méthode alphabétique, il fut entraîné graduellement, par des rapprochemens heureux, par le succès apparent de quelques essais, à considérer l’écriture hiéroglyphique comme étant plus qu’aux trois quarts de nature alphabétique. Assurément cette opinion, si contraire à