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LES HIÉROGLYPHES ET LA LANGUE ÉGYPTIENNE.

Nous possédons une langue égyptienne, désignée plus ordinairement sous le nom de langue copte : elle nous est donnée principalement par des versions de l’Ancien et du Nouveau-Testament. On a longuement et savamment disputé sur l’origine de cette langue, de fort habiles critiques ont examiné la question sous toutes ses faces. Un premier résultat de leurs laborieuses recherches, aujourd’hui généralement admis, c’est que la langue copte est la même que la langue égyptienne de l’époque des Pharaons, sauf les changemens que le temps et d’autres circonstances peuvent apporter dans un idiome usuel. Un autre résultat, c’est que la version copte de l’Ancien et du Nouveau-Testament a dû être faite, au plus tard, dans le cours du second siècle, et que cette version, qui a joui, dès l’origine, d’une autorité égale à celle du texte grec, qu’elle a promptement remplacé, représente fidèlement le langage des habitans de l’Égypte dans les premiers siècles de l’ère chrétienne. On sait le caractère d’immutabilité des livres sacrés.

Nous avons donc la langue dont faisait usage la population égyptienne à l’époque où Septime-Sévère, ardent persécuteur des chrétiens et protecteur zélé de l’antique religion, faisait recouvrir de légendes hiéroglyphiques le grand temple d’Esné. Nous pouvons désormais tenter, avec espoir de succès, l’interprétation des hiéroglyphes qui recouvrent les temples d’Esné, ceux de Denderah, tous les édifices de l’époque romaine ; nous avons la langue contemporaine.

L’objection la plus sérieuse que l’on ait faite contre la possibilité d’interpréter l’écriture hiéroglyphique, c’était l’ignorance où nous étions de la langue au moyen de laquelle on exprimait les idées que rappelaient ses caractères. Le dictionnaire symbolique d’Horns-Apollon nous apprend que certains symboles, outre les sens divers dont ils étaient susceptibles d’après les qualités de l’objet représenté, pouvaient encore avoir un sens dépendant du nom de cet objet ; de ce fait, d’Origny, dans son Égypte ancienne, concluait que la connaissance de la langue égyptienne est indispensable pour comprendre les hiéroglyphes, et que, cette langue ayant changé avec le temps, les hiéroglyphes sont indéchiffrables. « En effet, disait-il, le même caractère ne représentant plus le même mot, ce caractère ne peut plus faire entendre ce que le sculpteur avait prétendu qu’il signifiait. » Il eût fallu, suivant lui, connaître la langue égyptienne de chaque époque pour en interpréter les monumens. D’Origny, de même que tous les savans d’alors, regardait les hiéroglyphes comme antérieurs de beaucoup à l’époque romaine.

Plus tard, Zoéga, dans son ouvrage sur les obélisques, admet comme d’Origny, et par les mêmes motifs, une étroite liaison entre les caractères hiéroglyphiques et la langue de la nation qui les employait comme