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LA PEINTURE ET LA SCULPTURE EN ANGLETERRE.

ou raison, l’Académie se fait surtout à elle-même les honneurs de ses salles. Ce qu’elle accueille d’étranger n’est d’ordinaire ni bien nombreux ni bien hors de ligne.

Parmi les ouvrages non académiques, il convient cependant de nommer les Condottieri de M. Herbert, qui vaudraient davantage si la vigueur et l’audace de quelques-unes de leurs figures n’étaient pas trop nettement empruntées de Van-Dyck ; — les tragédies et les élégies romaines de M. Uwins, dont la poésie réelle est souvent gâtée par l’exagération mélodramatique, et enfin l’Arrivée à l’école et la Sortie de classe de M. Webster, deux aimables croquis d’écoliers espiègles et d’enfans mutins que ne désavouerait pas Charlet.

Rentrons en pleine académie. Abordons ses paysagistes, sa gloire la plus incontestable et aussi bien celle de la présente exhibition de Somerset-House.

J’ai regret que M. Stanfield ait laissé sa barque dériver si loin cette année, et qu’il ait perdu de vue la côte que nul ne savait mieux reconnaître et peindre. Sa mêlée navale contentera, j’espère, le Senior united service club, qui l’a commandée ; je doute qu’elle satisfasse l’artiste lui-même. Quoi ! ce groupe si calme de gros navires paisiblement désemparés et démâtés, c’est la triple armée de Trafalgar ! Le livret me dit bien : à votre gauche, vous avez le vice-amiral Collingwood sur le Souverain Royal avec sa prise, la Santa Anna. À votre droite, sont le Bucentaure et la Santissima Trinidad, criblés sous le feu du Neptune et du Leviathan. Au centre, c’est la Victoire, à bord de laquelle lord Nelson vient de mourir. C’est au mieux. Je sais à merveille l’ordre du combat. Mais où est l’ame, où est la pensée, où est l’horreur de cette terrible action ? Quoi ! sous tant de vaisseaux déchirés, sous tant de débris en flamme et croulans, sous cette ruine immense, rien que de belles vagues paisibles et transparentes ! Pas un flot frémissant et irrité ! Oh ! cette mer n’a pas le sentiment de la grande bataille qu’elle porte ! Elle ne serait ni plus calme ni plus indifférente, menant vers le port une flotte joyeuse et pavoisée. Je ne prétends pas que cet essai soit concluant contre M. Stanfield ; pourtant qu’il y regarde désormais à deux fois avant de reporter la guerre sur le capricieux élément. Ces combats de mer veulent une autre chaleur d’ame, une autre force de bras, un pinceau trempé en d’autres couleurs