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se ferment avec fracas sur des nouveau-nés qui s’appellent Dante, Boccace, Machiavel, Galilée, Michel-Ange, et dont les vagissemens s’entendent jusque par-delà les Alpes. Entre Florence et Perouse, sur le chemin des ordres mendians, l’église mystique de Saint-François-d’Assise s’enfouit à demi sous terre, à l’instar des catacombes, pour fuir la lumière et le parfum de l’Italie : architecture ascétique dans le pays de l’ascétisme, elle se couche, comme son saint, dans le tombeau. Plus loin, à Rome, siége, comme la papauté sur son trône, l’église de Saint-Pierre sur sa colline. Plus de symboles de douleur comme dans l’architecture du nord ou dans la bysantine ; ni croix, ni sépulcre : c’est ici l’emblème du Christ régnant, ou plutôt le temple d’un Jupiter chrétien. La fête du Dieu ressuscité à Pâques est celle qui convient à ces splendides murailles, non pas la plainte de la vieille église au jour des morts : le Te Deum éclate ici de lui-même sous ce dôme triomphant, non pas le Miserere. Toutes les formes d’architecture se pressent dans Rome, la grecque, la romaine, la bysantine, la lombarde : il n’y a que l’arabe et la gothique qui n’ont jamais pu non s’y établir, mais s’y montrer. Celles-ci se retrouvent dans le royaume de Naples, à la suite des invasions normandes, espagnoles, sarrasines. Par ce côté, l’Italie se rattache à l’Espagne mauresque comme par Venise à l’Orient. Enfin, à l’entrée de la Calabre, les temples de Pæstum rejoignent la grande Grèce et la Sicile. Tous les rapports de l’Italie, dans l’architecture, sont ainsi établis. Par le nord, par le midi, par l’est, par l’ouest, cette grande cité de l’art se lie à tout ce qui l’entoure. C’est entre le monde grec d’un côté, et le monde germanique de l’autre, que s’est développé le génie de l’Italie. Ces deux limites sont marquées au midi par les colonnes de Pæstum ; au nord, par la cathédrale de Milan.

La position de l’Italie, de ce grand promontoire qui s’étend entre l’Europe et l’Orient, fait qu’il lui est difficile de supporter les conditions médiocres. Lors même que l’empire romain n’eût cherché qu’à garder son berceau, il aurait été entraîné à la conquête du monde. Pour conserver la Cisalpine, il lui fallait les Alpes et les Gaules. Par l’est, il touchait à l’Illyrie et à la Grèce, par le midi à l’Afrique ; il prêtait le flanc, par l’ouest, à la Sardaigne et à l’Espagne, en sorte que, quel que fût l’accroissement des provinces, l’Italie restait toujours au centre de l’empire. Jamais pays ne fut plus convié aux conquêtes, ni mieux situé pour les retenir.

Mais ce qui avait fait sa force dans l’antiquité fit sa faiblesse chez les modernes. Le jour où elle cessa de conquérir, elle fut conquise. Les Allemands et les Français l’attaquèrent par le nord ; les Espagnols, par les flancs ; les Arabes et les Normands, au midi. Les seuls Bysantins furent