Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 7.djvu/173

Cette page a été validée par deux contributeurs.
169
VOYAGES D’UN SOLITAIRE.

ceux que j’avais imaginés dans la forêt des Dombes ! Ils chantaient des poèmes entiers, dont j’avais autrefois balbutié les premières syllabes en suivant le sentier humide des prés. À la fin, je vis aussi la Vierge au voile, de Raphaël, passer dans le jardin des Césars : elle y cueillait des fleurs nouvelles, en même temps que deux enfans, et elle souriait ; car aucun des doutes de l’homme ne s’était encore communiqué à ces filles de l’esprit de l’homme. Elles avaient gardé toutes seules la foi des vieux siècles et l’éternel amour dont la terre était privée. J’entendais une voix qui disait : « Sainte, sainte à jamais est la terre d’Italie, qui nous a nourris de ses mamelles et vêtus de son soleil d’été. »

vii.

Après avoir parcouru l’Italie dans ses détails, si je la considère dans son ensemble, je trouve que ses lignes principales peuvent être marquées de la manière suivante :

Au revers des Alpes, dans cette Lombardie, incessamment foulée par l’Allemagne, l’architecture du nord a pour son monument la cathédrale de Milan. Cette architecture suit le chemin des empereurs et des invasions gibelines : elle s’insinue dans Gênes, Pise, Padoue ; elle traverse Florence, Sienne ; elle pèse dans Arezzo sur le porche et le berceau de Pétrarque. À la fin, elle se rencontre, avec le génie guelfe ou romain, dans Orviète, où elle achève de s’énerver et de se décomposer sous l’influence de la tradition antique, et de ce climat devant lequel ont toujours succombé les hommes et les formes du nord. L’ogive s’arrête comme Attila, aux portes de Rome ; elle ne les a jamais franchies. À l’extrémité des Alpes tarentines, Venise regarde l’Orient ; elle fait le lien de l’Italie avec l’Asie. En descendant le long de l’Adriatique, le vieux royaume lombard a son mausolée dans l’église de Ravenne. Cet héritier de l’empire romain est venu mourir là, loin de Rome, sous ces voûtes lombardes ; son fantôme s’engouffre avec le flot dans le tombeau de Théodoric. Sur la mer opposée, Pise bâtit dans son Campo Santo la nécropole de l’Italie. Cette commune, composée de statuaires et de matelots, cisèle comme un phare la tour penchée de son beffroi ; elle radoube la nef de sa cathédrale, comme une galère en construction sur la maremme. Au milieu de ces deux mers, au centre de l’Apennin, Florence accomplit le mélange du génie chrétien et du génie païen. Sur la nef gothique du xiiie siècle, elle exhausse le dôme de la renaissance ; elle couronne le moyen-âge avec la coupole du Panthéon. La fleur du génie étrusque s’épanouit là en terre chrétienne. Écoutez ! les portes de bronze de son baptistère s’ouvrent et