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LA PEINTURE ET LA SCULPTURE EN ANGLETERRE.

formation lui a-t-elle aussi glorieusement réussi qu’à Rembrandt, que nous voyons substituer à son premier faire, si fini, cette seconde manière, négligente des détails, qui ne demande ses sublimes effets qu’à la distribution idéale de l’ombre et de la clarté ? Nous sommes loin de le croire. L’artiste a gagné quelque chose en variété ; il a perdu beaucoup en finesse et en perfection. Il n’est pas jusqu’à son séduisant coloris, sa principale originalité, qui ne se soit terni et enveloppé d’un voile grisâtre, d’un brouillard à peine pénétrable. Pour ce qu’il a rapporté du dehors, vraiment M. Wilkie eût mieux fait de ne jamais sortir de son pays.

M. Eastlake semble avoir profité plus franchement de ses excursions sous le ciel méridional. Sa nature italienne n’a presque plus rien d’anglais. On ne saurait dire, par exemple, que cet artiste soit doué de fécondité. Il se borne à exposer une réduction de sa toile principale de l’an passé. Nous ne nous plaignons pas de revoir un sujet qui nous avait plu ; mais pourquoi la copie reproduit-elle toutes les taches de l’original ? Ces pélerins qui se prosternent à l’aspect de la ville éternelle sont toujours plus exténués que dévots et contrits. Ils sont moins ravis d’approcher de la source céleste où s’abreuvent les ames, que de la terrestre fontaine qui désaltère les corps.

Il serait impardonnable de ne pas recommander les compositions mythologiques de M. Etty. L’art actuel ne veut pas tant de mal qu’on dit à cette douce poésie de la fable. Les esprits grossiers ont prostitué long-temps et avili ses graces : honorons les esprits délicats qui tentent présentement de la réhabiliter. M. Etty est du petit nombre de ceux qui mèneront à bon port cette restauration. Il a rendu à Vénus la magie de sa ceinture, et à l’aveugle-dieu l’infaillibilité de ses flèches. Ajoutons que ce rénovateur n’a pas eu le mauvais goût de ressusciter les Psychés colossales du siècle dernier ; c’est l’ame antique, ailée, transparente, et pourtant palpable qu’il a ranimée. Et puis il a eu la discrétion d’encadrer étroitement ses élégantes scènes de paganisme. On les dirait autant d’idylles d’André Chénier.

Voici bien des années que le vieux M. Westall ne se lasse point de renouveler les éditions de ses folles à genoux sur la grève, regardant les flots soulevés, et de ses petites filles, debout, pieds nus, au seuil d’une chaumière. Il rapporte aujourd’hui les mêmes éternels échantillons. Je l’avoue, enjolivées par un burin coquet, ces