Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 7.djvu/122

Cette page a été validée par deux contributeurs.
118
REVUE DES DEUX MONDES.

au langage. Ce serait beaucoup déjà que d’avoir regret de ne pouvoir faire ainsi.

Aujourd’hui que l’Art poétique de Boileau est véritablement abrogé et n’a plus d’usage, la lecture du chapitre des Ouvrage de l’Esprit serait encore, chaque matin, pour les esprits critiques ce que la lecture d’un chapitre de l’Imitation est pour les âmes tendres.

La Bruyère, après cela, a bien d’autres applications possibles par cette foule de pensées ingénieusement profondes sur l’homme et sur la vie. À qui voudrait se réformer et se prémunir contre les erreurs, les exagérations, les faux entraînemens, il faudrait, comme au premier jour de 1688, conseiller le moraliste immortel. Par malheur, on n’arrive à le goûter et on ne le découvre, pour ainsi dire, que lorsqu’on est déjà soi-même au retour, plus capable de voir le mal que de faire le bien, et ayant déjà épuisé à faux bien des ardeurs et des entreprises. C’est beaucoup néanmoins que de savoir se consoler ou même se chagriner avec lui.


Sainte-Beuve.