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Les publications à l’usage des classes sont au nombre de 607 ; elles donnent 5,557 feuilles typographiques. Quand on a mis à part certains livres qui ont le privilége de se vendre à des nombres incalculables, on peut multiplier le reste par 2000, moyenne approximative du tirage. Moitié environ est employée pour la science qui dévore les belles années de la jeunesse : celle des mots grecs et latins ; on a beaucoup fait pour l’enseignement primaire ! On trouve par l’inventaire détaillé : 54 livres de lecture, c’est-à-dire, 33 abécédaires et 21 méthodes nouvelles. Il y en a qui se disent analytiques, synthétiques, intuitives : il y a des citolégies, des prestolégies. Pauvres enfans ! — Écriture, 7 traités, et autant de procédés que de professeurs. — Grammaire française et exercices orthographiques, 123. Toujours des essais et des théories nouvelles. La grammaire de Lhomond, réimprimée 21 fois, est encore le cadre de ces améliorations prétendues. — Grammaire latine ou grecque, 20. — Composition latine, 22 ; grecque, 7. — Extraits des classiques latins, pour servir aux traductions, 45 ; grecs, 57. — Étude des langues modernes, 41, dont 17 consacrés à la langue allemande. — Rhétorique et extraits des classiques français donnés comme modèle d’élocution et de goût, 32. — Géographie, 51 ; histoire, 79. Ce ne sont pour la plupart que d’insipides chronologies bien dignes de figurer à côté de l’inévitable Leragois. Cependant quelques auteurs ont utilisé avec discernement les conjectures audacieuses de la critique moderne. — Mathématiques élémentaires, 41. — Notions des sciences et des arts, 24. Le reste est destiné à ceux qui aspirent au professorat.

Tout le fruit des études scolastiques consiste en une somme de notions inscrites dans la mémoire, mais non pas possédées par l’intelligence. C’est un triste résultat que chacun a constaté au sortir du collége. Ne faudrait-il pas l’attribuer aux livres qu’on fait servir à l’instruction ? Qu’on remonte à leur source, et on verra qu’ils ont conservé le plan et les moyens des traités élémentaires que l’antiquité nous a transmis. Nos grammairiens, par exemple, reproduisent les formules abstraites des grammairiens d’Alexandrie et de Rome, qui eux-mêmes disposaient méthodiquement l’analyse du langage, faite par les philosophes grecs, avec leur merveilleuse sagacité. Mais ces traités avaient-ils, dans l’antiquité et dans le moyen-âge, le même emploi qu’aujourd’hui ? Non, assurément ; ils étaient seulement le guide, le manuel du maître. Celui-ci, dans ses leçons verbales, s’appliquait, sans aucun doute, à mettre en jeu l’intelligence de ses jeunes auditeurs. L’imprimerie, en multipliant les copies, a changé complètement le mode d’éducation ; c’est maintenant le livre qui parle à l’enfant plutôt que le professeur. Or, le livre, malgré sa nouvelle destination, se sert du technique et des définitions trouvées, il y a deux mille ans, et on s’étonne qu’un enfant ne comprenne pas mot