Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 6.djvu/762

Cette page a été validée par deux contributeurs.
758
REVUE DES DEUX MONDES.

En effet, les pacificateurs se sont inspirés du timide amendement que le duc de Richmond avait en vain proposé chez les pairs, comme un léger palliatif du système destructeur de lord Lyndhurst. Le noble duc s’était borné à demander grace pour sept des villes principales de l’Irlande. C’était uniquement pour ces sept villes, supposées par lui plus raisonnables que les autres, qu’il réclamait le bénéfice de corporations électives ; car il faut se souvenir que la proposition originelle du cabinet whig n’était pas elle-même d’un libéralisme excessif. Elle n’accordait qu’à un nombre restreint de cités l’élection libre de municipalités nouvelles.

Admirez pourtant jusqu’où les whigs sont capables de pousser la conciliation. Dans une sorte de conciliabule préparatoire, qui réunit environ deux cents membres ministériels des communes, lord John Russel, si fougueux il y a trois semaines, propose simplement d’aller un peu plus loin que le duc de Richmond, et d’exiger le maintien des corporations de cinq villes, en sus des sept que voulait bien privilégier Sa Grace.

Ce sage projet de transaction obtient l’assentiment unanime du meeting. Seulement, afin qu’on ne dise pas qu’il défend mal la cause de l’Irlande, l’agitateur-géant observe que l’addition de cinq villes aux douze de lord John Russel serait chose fort souhaitable. Et de fait, dix-sept corporations, c’est bien le moins qu’O’Connell puisse gagner au profit des sept millions de cliens qui lui paient si grassement ses plaidoyers à la chambre ou en plein air.

Sûr ainsi de l’appui des siens, jeudi passé, dans un discours plus réservé, mais résolu, lord John Russel reproduit aux communes le bill sous-amendé, qui sera son ultimatum. Bien entendu, les tories de sir Robert Peel n’étaient pas pour tremper dans cette tentative de paix. Ce leur est une joie trop vive de voir revenir, forte de la sanction des lords, l’idée meurtrière dont l’invention leur appartient.

Ce mauvais vouloir des conservateurs de la chambre élective n’est fâcheux qu’en ce qu’il fortifiera peut-être l’obstination de la pairie. Du reste, il ne saurait empêcher l’intention conciliatrice du cabinet. Une majorité libérale de quatre-vingt-six voix a décidé qu’on essaierait de traiter sur les bases que le ministère a posées.

La majorité des communes a-t-elle tort, au fond, de montrer cet esprit pacifique et de faire tant de pas vers l’arrangement espéré ? Nullement. D’un vaste plateau que l’on convoitait se faire céder à l’amiable, une douzaine de toises où l’on puisse s’établir et dresser ses batteries, c’est un commencement d’occupation qui vaudra certainement, avec de la patience, la conquête de tout le terrain. Bien plus,