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LA PRESSE FRANÇAISE.

tits ouvrages (5,070 feuilles). Après avoir retranché les livres d’église, cantiques et catéchismes, qui en forment environ le tiers, on ne trouvera plus que du mysticisme exalté, ou des alimens à de niaises superstitions. Un peuple serait bientôt régénéré, si des ouvrages vraiment bons et utiles se trouvaient répandus en aussi grand nombre que ceux des pères Boudon, Baudrand, Liguori, et de cent autres qui depuis un demi-siècle sont reproduits chaque année, et par milliers. Leur débit vraiment prodigieux s’explique néanmoins : ils agissent sur les dévotes, comme les romans sur les liseuses de boudoirs : c’est le fantastique du genre. Ils procurent aux natures débiles ou indolentes une surexcitation et les jouissances souvent physiques de l’extase. Les ames maladives et affligées leur demandent une sorte d’engourdissement qu’elles appellent résignation. Maintenant, offrez un de ces livres à un esprit positif, qui peut-être écouterait le langage d’une morale ferme et active, il sera rebuté par un jargon bizarre, tortueux, illuminé seulement pour les adeptes. On le verra sourire à des titres comme ceux-ci : le Palais de l’Amour divin ; les Quatre portes de l’Enfer. Il tremblera qu’un confesseur zélé ne mette entre les mains de son fils le Conservateur des jeunes gens, ou Remèdes contre les tentations des honnêtes. Enfin, il ne se défendra pas d’une colère dédaigneuse devant la liste de ces livrets dont nos campagnes sont encore inondées, qui célèbrent les visions, révélations, prophéties, miracles accomplis journellement, comme ceux de sainte Philomène, qui, après avoir remplacé le prince de Hohenlohe, est elle-même menacée dans sa vogue par la Médaille immaculée.

Même apathie, même impuissance dans les sectes séparées du catholicisme. Les protestans vivent d’héritage comme leurs adversaires : ils réimpriment l’éloquent Saurin. Le saint-simonisme, l’église française, l’illuminisme et autres entreprises de religion, n’ont donné signe de vie que par quelques brochures sans portée.

En déplorant la misère intellectuelle du corps ecclésiastique, il serait juste sans doute de faire des réserves en faveur de quelques hommes distingués par leurs lumières. Mais nous ne pouvons juger que sur pièces imprimées, sur les œuvres à jour. Pour évaluer la fortune d’une famille, on fait compte des richesses qu’elle met en circulation, et non de celles qui restent enfouies. Si d’ailleurs, comme l’indiquerait un livre de l’abbé Gaume (du Catholicisme dans l’éducation), il se trouve des prêtres forts d’études et puissans par la pensée, ce fait bien constaté serait la plus amère critique d’une hiérarchie combinée de façon à neutraliser les individus.

Comment donc expliquer un des phénomènes de l’époque : la réhabilitation du catholicisme ? Depuis 1830, il s’est produit partout avec l’allure d’une doctrine militante, ferme, résolu, un peu fanfaron peut-être, mais