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DU SYSTÈME ÉLECTIF EN FRANCE

seraient nommés à vie, et qu’ils ne choisiraient plus que des candidats à la députation.

L’élection directe fut un progès[1] ; elle donna au pays la réalité du gouvernement représentatif, dont il avait embrassé l’ombre pendant vingt-cinq ans. Malheureusement, la Charte constitutionnelle posait la limite en même temps que le principe ; pour étendre l’électorat, il fallait briser la Charte et faire une révolution. La fortune de la restauration était attachée à la durée du contrat ; elle ne le comprit pas.

La combinaison du cens à 300 francs avait été calculée pour donner 120,000 électeurs ; mais les dégrèvemens de 1818, 1820 et 1821, ainsi que le morcellement des propriétés, en réduisirent bientôt le nombre. En 1830, l’on ne comptait plus que 94,000 électeurs ; et M. Bérenger, dans son rapport sur la loi électorale, votée en 1831, constatait que, le cens demeurant à 300 francs, 170 colléges ne pourraient pas réunir 150 électeurs.

Il est certain qu’en France la richesse ne s’accroît pas dans la proportion de sa diffusion. La division des propriétés marche plus vite que leur recomposition. C’est ce qui fait que la loi électorale, reposant sur la base d’un cens fixe, a besoin d’être révisée de temps en temps, quand on ne voudrait pas augmenter le nombre des électeurs, et pour prévenir le déclassement des censitaires inscrits.

  1. « L’élection directe établit entre les électeurs et les députés des rapports immédiats qui donnent aux premiers plus de confiance dans leurs mandataires, et aux seconds plus d’autorité dans l’exercice de leurs fonctions. Aucun électeur n’a le droit de se plaindre d’une élection à laquelle ils ont tous concouru par leurs suffrages ; aucun éligible n’a le droit de prétendre que, si tous les électeurs avaient été appelés, il aurait été élu. Vainement dira-t-on qu’en faisant choisir par la totalité des électeurs, et dans leur sein, un certain nombre d’électeurs d’élite, qui nommeraient ensuite les députés, on aurait également l’expression de l’opinion et du vœu de tous les électeurs. La confiance et l’approbation ne s’accordent point d’une manière si absolue. Le député élu de la sorte n’aurait obtenu en fait que les suffrages des électeurs qui auraient concouru directement à la nomination ; il ne serait pas le délégué spécial des électeurs qui n’auraient pas été appelés à lui donner leurs suffrages. L’élection directe peut seule faire naître entre les électeurs et les députés cette sorte de responsabilité morale qui garantit la bonté des choix, et dont l’influence va croissant à mesure que ces deux classes d’hommes se connaissent et se lient davantage. » (Manifeste du ministère, Moniteur du 30 novembre 1816).