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temps un journal. La presse et la tribune se répondent ; ce sont les deux termes d’une même nécessité. En instituant les conseils généraux dans tous les départemens, la loi avait interdit la publicité des séances. Les conseils éludent la prohibition en publiant les procès verbaux de leurs délibérations. On tenterait vainement de s’y opposer. Cette publicité est déjà plus qu’un fait ; elle a passé dans les habitudes et a pris racine dans les intérêts. Comment empêcher d’ailleurs les communications qui s’établissent naturellement entre les élus et les électeurs, lorsque ceux-ci ont à demander, et ceux là à rendre compte du mandat ? La publicité est de l’essence des assemblées délibérantes, par cela seul qu’elles ont une responsabilité. Ici, la fermeté des consuls généraux s’est donc exercée à l’avantage du principe ; ils ont fondé la presse départementale qui n’avait auparavant ni mouvement propre ni individualité.

CHAMBRE DES DÉPUTÉS.

Nous touchons au point culminant du système électif, à cette question qui partage en France les meilleurs esprits : la loi électorale est-elle en rapport avec l’état du pays ? un observateur étranger, M. Bulwer, se prononce pour la négative ; ce qui le frappe, c’est le contraste qu’offre le petit nombre des électeurs, comparé à l’immensité de la population. M. Jollivet, dans un écrit où il compare le système électoral de la France à celui de l’Angleterre, se rejette sur la qualité des électeurs qui lui paraît une meilleure garantie que la quantité. 184,000 électeurs, ce sont, suivant lui, 184,000 votes indépendans, et il insinue, avec une assurance fort peu patriotique, à notre avis, que l’indépendance du suffrage est limitée aux censiaires qui paient 200 francs d’impôt. Examinons :

C’est la Charte de 1814 qui a introduit en France l’élection directe. De 1789 à 1814, l’élection indirecte avait prévalu dans le droit public. Les citoyens actifs[1] réunis en assemblées primaires, désignaient des électeurs qui nommaient à leur tour les députés. La perfection idéale du système se trouve réalisée dans les constitutions du consulat et de l’empire, qui décrétèrent que les électeurs

  1. C’est-à-dire ceux qui payaient une contribution directe de trois journées de travail.