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tion, des gardes nationales des départemens, s’est élevée, par son caractère autant que par sa position, au rang d’un quatrième pouvoir de l’état. Cette force municipale se compose de quatre vingt mille hommes de toutes armes, équipés et exercés, qui manœuvrent comme des troupes de ligne, et que les émeutes ont aguerris. C’est la seule en France dont le zèle ne se soit pas démenti depuis six ans, celle qui, placée fréquemment entre son devoir et le danger, n’a jamais hésité à prêter main-forte à la loi.

La chambre des députés a fondé le gouvernement actuel, la garde nationale l’a défendu et l’a maintenu. Les hommes qu’elle s’est vue dans la pénible nécessité de combattre ont cherché à la tourner en ridicule ; ces braves citoyens qui, sans examiner de quel côté venait l’agression, accouraient sous les drapeaux de la charte, s’arrachant à leur famille, à leurs habitudes, à leurs intérêts, ont été affublés du sobriquet d’épiciers janissaires. Certes, l’influence de la garde parisienne est grande sur le gouvernement, et il ne tiendrait qu’à elle d’en abuser ; mais elle apporte la plus louable réserve dans ses relations avec le pouvoir. Celui-ci, à force de la craindre, s’étudie à la deviner. Son opposition connue, bien que tacite, a fait avorter plus d’un complot de cour ; et, par exemple, ne lui doit-on pas, en grande partie, le retrait de l’état de siége, ainsi que l’abandon du projet des forts détachés ?

Il faut le dire, la sagesse de la garde parisienne forme l’unique contrepoids de son pouvoir. Ce que le gouvernement est à la capitale, ce que la capitale est au reste de la France, la garde nationale de Paris l’est par rapport au gouvernement. Le jour où elle se prononcerait contre le ministère, le ministère ne pourrait pas tenir une heure ; car on sait désormais, par l’expérience des Bourbons, que le gouvernement qui oserait dissoudre ce corps, irait au-devant d’une révolution. Sans cette barrière inébranlable, le pouvoir exécutif, qui a besoin d’être fort en France, serait tenté de se faire oppresseur. La garde nationale parisienne est la seule réunion de citoyens assez imposante pour lutter contre un pouvoir qui dispose de l’armée.

Pendant que la démocratie des villes est républicaine ailleurs, à Lyon par exemple, à Grenoble, à Marseille, à Montpellier, d’où vient que cette garde parisienne qui comprend tous les contribuables, toutes les professions, toutes les influences, depuis le com-