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BREST
À DEUX EPOQUES[1].

Quoique située à l’extrémité de la Bretagne, la ville de Brest n’est pas une ville bretonne : c’est une colonie maritime composée de transfuges de toutes les provinces de la France, et dans laquelle s’est formée je ne sais quelle race douteuse sans caractère propre et sans aspect spécial. L’observateur attentif peut bien découvrir, dans cette population habillée de toile cirée et de cuir bouilli, qui vit les pieds dans l’eau et la tête dans les brumes, quelque chose des durs garçons de l’Armorique[2] ; mais ce n’est qu’une trace fugitive. La ville n’a guère mieux conservé son air matelot. On sent bien encore un peu le goudron dans le premier port de France ; on entend bien encore des marteaux de calfats sous les bassins couverts ; on rencontre bien encore, dans la rue des Petits-Moulins, quelque vaillant maître au teint bistré, à la chique proéminente, aux es-

  1. J’ai rédigé cet article sur des notes laissées par mon père, et c’est lui que je laisse parler.
  2. Pot callet deus an Armoricq. (Proverbe breton.)