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seulement une infirmité dégoûtante, insupportable à la vie, mais dans quelques circonstances éminemment mortelle. En effet, si cette ouverture affecte un point de l’intestin trop rapproché de l’estomac, les alimens ne faisant plus un séjour assez long dans les voies digestives, la nutrition cesse de s’opérer, les malades s’affaiblissent et périssent bientôt épuisés.

Le zèle et le talent des chirurgiens de toutes les époques s’est exercé pour triompher de cette cruelle maladie ; divers moyens plus ou moins ingénieux ont été mis en usage, sans obtenir de succès. En effet, il ne s’agit pas seulement d’oblitérer cette ouverture extérieure, de cicatriser cette plaie ; en procédant ainsi, l’intestin se trouve lui-même presque entièrement obstrué, et sa cavité intérieure, considérablement rétrécie, ne permet plus le passage des matières ; de là de nombreux accidens qui amènent inévitablement la mort.

La cause véritable de l’obstacle au cours des matières a été long-temps méconnue ; c’est à Desault que revient l’honneur de l’avoir bien signalée, et c’est lui qui a imprimé une bonne direction au traitement de cette maladie. Si, à défaut de connaissances anatomiques et médicales, on veut se faire une idée exacte de la disposition des intestins dans l’anus contre nature, et apprécier la difficulté du traitement de cette maladie, il faut que l’on imagine deux doigts de gants, coupés à moitié de leur longueur, et réunis entre eux par une seule et même cloison ; c’est à peu près de cette manière que sont disposés les deux bouts de l’intestin, lorsqu’ils viennent s’ouvrir à l’extérieur. On conçoit que si l’on tente de guérir cette maladie sans autre précaution que de cicatriser la plaie, les intestins se trouvent complètement oblitérés en cet endroit, comme si l’on fermait par une couture les extrémités ouvertes des deux doigts de gants. Pour rétablir entre eux une libre communication, il faudrait détruire la cloison qui les unit. Eh bien ! c’est contre cette cloison que M. Dupuytren a dirigé ses efforts, et il a inventé, pour la détruire, un instrument fort ingénieux qu’il a nommé enterotome. Une fois cette cloison détruite, il n’y a plus qu’à opérer la cicatrisation de la plaie extérieure, pour obtenir une guérison radicale.

Je sais que la première idée de cette opération est attribuée à un Allemand, à Shmalkadden, qui la proposa en 1798, trois ans après la mort de Desault. Le docteur Physick de Philadelphie l’a, dit-on,