Au milieu de la paix profonde et presque générale dont jouit l’Europe (car on ne s’y bat que dans un petit coin de l’Espagne), la face des affaires se renouvelle souvent d’une manière complète dans l’étroit espace d’une quinzaine. Ce n’est pas par de grandes secousses que se soulèvent aujourd’hui les empires, et les révolutions ne se font qu’en détail, comme les guerres. L’Europe semble immobile, ses divers gouvernemens ont l’air d’être plongés dans une complète inertie, et cependant jamais mouvement plus général ne s’est fait en Europe, jamais la diplomatie n’a été plus alerte et plus active, et jamais les évènemens, le temps des grandes guerres et des grandes batailles excepté, n’ont pris d’un jour à l’autre une face plus diverse et plus subite, qu’en ce temps-ci. Il y a quinze jours à peine, nous examinions la situation politique de l’Europe, et déjà cette situation se trouve grandement modifiée. Qu’on se reporte encore quelques quinze jours en arrière, on verra que les principales puissances européennes ont toutes subi d’importans reviremens politiques intérieurs ; on reconnaîtra que les rapports de puissance à puissance n’ont pas subi de moindres variations ; on verra que tout a marché, que tout s’est agité, que ce qui avait été déclaré inébranlable et stable à jamais s’est mis en mouvement ; que ce qui devait avancer, selon tous les calculs de la sagesse politique, a fait un pas en arrière ; que mille rapports ont été renoués ; que d’autres, qu’on désespérait de faire naître, se sont établis par la seule puissance des choses, sans compter ce qu’on ignore, ce qui se fera, ce qui se prépare, ce qui grouille et ce qui croît dans le mystère des chancelleries et des cabinets. Spectacle curieux, s’il était possible de se le donner librement ; spectacle effrayant aussi, si l’on ne savait, quelque peu qu’on sache, que c’est là le mouvement de tous les jours, qui se fait, sans que les états s’écroulent, sans que les peuples s’émeuvent, sans que rien tombe en ruine, sinon quelques ministères et quelques combinaisons partielles, bientôt remplacés par d’autres. C’est ainsi