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L’ESPAGNE
EN 1835.

ii.

TOLÈDE.


Le parvis de la cathédrale de Tolède est une place longue, irrégulière, raboteuse, vestibule indigne d’un si noble monument. Cette place, ou plutôt cette rue, est d’ordinaire déserte et silencieuse. Ce n’est pas de ce côté qu’on entre à l’église, et l’herbe y croît tout à son aise, sans être seulement courbée par le pied des fidèles. La nuit, elle est plongée en des ténèbres profondes. Ce soir là, par miracle, le 15 décembre, elle était bruyante et populeuse ; un grand feu d’artifice brûlait au milieu, inondant de clartés inaccoutumées la place et les édifices qui la ceignent. Les chandelles romaines s’élançaient en fusées éblouissantes ; on eût dit des serpens de feu assiégeant les murs noirs de la cathédrale. Arrivées au ciel, elles en redescendaient en pluie d’étoiles, et les enfans se disputaient avec des cris de joie les cannes de papier, qui retombaient, encore embrasées, sur la tête des spectateurs. D’autres clameurs se mêlaient à la voix des enfans ; les cris de Viva la reyna ! Viva la libertad ! suivaient dans l’espace les jets lumineux ; l’hymne de Riégo éclatait dans la foule, et le chant révolutionnaire de la Tragala, qui est la