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Liège ; la route est déjà en pleine activité de Bruxelles à Anvers. Le voyageur assis à la longue file des waggons remorqués par la machine incandescente, voit apparaître comme dans un magique miroir ces vertes et longues pelouses où la Senne, la Dyle et la Nèthe s’enlacent en innombrables canaux. Après Laëken, dont la jolie coupole brille au-dessus des peupliers et des aunes comme celle d’un temple grec dans un bocage, il voit courir devant lui les jolis jardins de Wilvorde ; puis après quelques minutes, à la haute tour de Saint-Rombaut, ornée de ses quatre cadrans d’or, il reconnaît l’épiscopale Malines. En une heure il est à Anvers, parcourant l’immense cathédrale, et ces bassins, souvenir grandiose des gloires et des erreurs de l’empire.

On croit généralement en Europe que le commerce et l’industrie de la Belgique, exclus des colonies hollandaises, ont dû payer de leur prospérité l’indépendance que ce pays s’est acquise. Cette opinion fut aussi la nôtre, jusqu’à ce que des faits nombreux nous eussent montré qu’elle était peu justifiée par l’expérience. Ce résultat de recherches faites sans prévention semble d’autant plus étrange qu’il paraît impossible de le concilier avec la perte d’un immense débouché qu’aucun marché nouveau n’a remplacé pour l’industrie belge. Il s’explique cependant par des raisons dignes d’être prises en considération sérieuse.

Il résulte des états publiés par le Journal du Commerce d’Anvers[1] et l’on peut citer cette feuille avec pleine confiance lorsqu’il s’agit d’un fait favorable à la révolution de 1830, que le mouvement de ce port a été, en 1834 et en 1835, au moins égal à celui de 1828, la plus belle année du royaume des Pays-Bas, et que les arrivages excèdent ceux de 1827 et des années antérieures. Si du nombre des navires on passe à la masse des marchandises importées, on trouvera des résultats à peu près analogues. « À l’exception du café, on peut dire qu’il n’y a pas de diminution sur un seul article, malgré les circonstances politiques, malgré l’interruption partielle de la navigation, et malgré la suppression du transit vers l’Allemagne, tandis qu’il y a augmentation sur les trois articles les plus importans, le coton, le tabac, le sucre, lesquels servent de matière première aux filatures, aux fabriques de tabac et aux raffineries. Quant au café, la consommation ne peut en avoir diminué ; le pays ne perd donc en définitive que le bénéfice qu’aurait procuré le transit. »

  1. Ces états sont reproduits dans un excellent Mémoire sur l’industrie cotonnière en Belgique, par M. E. Perrot, rédacteur de l’Union, et l’un des économistes les plus éclairés de ce pays. Nous lui faisons quelques emprunts, assurés de ne pouvoir puiser à une meilleure source, et de ne trouver jamais pour guide un esprit plus judicieux.