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LA BELGIQUE.

barras de son premier établissement, si je découvrais au nouvel état une mission importante, je ne désespérerais pas de ses destinées, parce que je les associerais à l’idée qu’il représente.

Il y a peu de poésie à voir des grenadiers bavarois montant la garde aux propylées d’Athènes, et les turpitudes de bandits exploités par des intrigans dégoûtent parfois les plus fervens philhellènes ; et pourtant je crois fermement à l’avenir de ce royaume de Grèce, parce qu’il a derrière lui l’empire caduc des Ottomans au partage duquel il est d’avance convié. La Belgique aussi exprime quelque chose ; elle n’est pas jetée dans le monde sans principe et sans but. À la paix de Westphalie, le duché de Prusse, fief de la Pologne aussi bien que la Courlande, était obscur et inconnu comme elle. Mais les intérêts nouveaux de l’Allemagne avaient besoin de se grouper ; les princes de Brandebourg comprirent leur rôle et surent le remplir. Leur pauvre électorat héréditaire, agrandi de la Poméranie, de la Silésie, d’une partie de la Pologne et de la Saxe, devint, au bout d’un siècle, une monarchie puissante. Des princes éminens firent de la Prusse le pivot de l’équilibre dans l’Empire. La Belgique peut devenir celui de l’équilibre entre la France et l’Allemagne ; mais il lui faut pour cela une habileté et une prudence bien rares chez les peuples.

La première condition prescrite à ce pays après sa révolution, c’était d’inspirer confiance à l’Europe. L’acte important qui suivit, après dix-huit mois de négociations infructueuses avec la Hollande, la ratification donnée par le gouvernement belge au traité du 15 novembre, établit combien cette confiance lui serait profitable.

Le roi Guillaume n’avait pas plus fléchi devant les instances de ses hauts alliés que devant le canon d’Anvers. Cependant l’espoir de voir éclater la guerre européenne s’éloignait chaque jour ; il fallait donc se résigner aux faits sans paraître céder sur les principes ; il fallait, pour toutes les éventualités, se réserver ces droits que la Hollande avait appris de l’Espagne à conserver sans espoir. Sous l’impression de ce double besoin fut signée à Londres, entre le ministre néerlandais et les plénipotentiaires de France et d’Angleterre, la convention du 21 mai 1833[1].

Les dispositions principales de cet acte consacrent, avec la cessation indéfinie des hostilités, le maintien du statu quo territorial jusqu’au traité

  1. Une convention militaire, confirmative des dispositions de celle du 21 mai 1833, en ce qui concerne la libre navigation de la Meuse et les communications avec la forteresse de Maëstricht, fut signée, le 18 novembre de la même année, à Zonhoven, entre des commissaires belges et néerlandais. C’est le premier acte directement intervenu entre les deux peuples.