volutionnaire et le plus souvent ennemie de l’indépendance, avait besoin d’une tutelle temporaire et bienveillante. Il lui fallait un patronage puissant et désintéressé, un modèle à suivre et une caution à présenter. Tout cela manquait en 1791 ; tout cela s’est rencontré après 1830.
S’il en eût été autrement ; si des hommes, sortis pour la plupart de l’obscurité, mais dignes de l’éminente position où les évènemens les jetaient soudain, n’avaient noblement usé leur énergie et leur popularité pour résister à des entraînemens irréfléchis ; si la mobilité confiante de l’esprit belge n’avait trouvé un contrepoids dans la raison ferme et froide de ce parti, incapable de faire triompher par lui-même la cause de l’indépendance, mais seul en mesure de lui concilier la France et l’Europe, le mouvement de septembre eût avorté, comme celui qui l’avait précédé, dans d’impuissantes déclamations. Le précédent de 91 a trompé la Hollande. Elle aussi a méconnu les temps ; elle n’a apprécié ni la force des intérêts nouveaux, ni celle d’une expérience chèrement payée par tous ; elle a espéré imposer des conditions qu’elle devra finir par recevoir.
Les beaux esprits du xviiie siècle avaient vu avec indifférence et dédain se consommer la chute d’un peuple dont les bataillons portaient à leur tête l’image crucifiée de celui qu’on appelait, en style philosophique, le général des Brabançons. La révolution française, déclinant toute solidarité avec une cause chrétienne, s’était laissé enlever une position qu’il lui eût été si facile de faire sienne. Peu après, la guerre était déclarée à l’Autriche par l’assemblée législative, et la bataille de Jemmapes ouvrait à Dumouriez les portes de la Belgique. En 1794, la bataille de Fleurus consolida entre les mains de la république une conquête qui lui avait d’abord échappé. Le traité de Campo-Formio sanctionna cet état de choses, et, au prix de la mort de Venise, l’Autriche consacra la réunion des Pays-Bas à la France.
Disons-le sans hésiter, car c’est un méchant patriotisme que celui qui fait mentir l’histoire ; la domination française fut imposée à la Belgique à Campo-Formio, comme l’avait été la domination espagnole à Munster, la domination autrichienne à Utrecht[1].
Dans la discussion solennelle qui précéda l’adoption de la loi du 9 ven-
- ↑ Si l’on veut se rendre compte des principes de droit public, et des vues politiques, commerciales et stratégiques sur lesquels on s’appuya pour réunir les pays conquis à la France, on peut consulter, comme vivant spécimen de l’esprit du temps chez les patriotes français, belges, mayençais, un recueil de dissertations, publié en l’an iv par George Boëhmer, député à la convention rhéno-germanique, sous le titre : La rive gauche du Rhin, limite de la république. Cet ouvrage, rare aujourd’hui, mérite toute l’attention du publiciste.