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LA BELGIQUE.

comprise, ou qu’elle ait échoué contre les circonstances. La Hollande, la Belgique et toute l’Allemagne rhénane réunies sous un même sceptre, en séparant la France de l’Empire, auraient évité les longues guerres de l’Espagne contre ses possessions insurgées, de la maison de Bourbon contre la maison d’Autriche. Cet établissement conservateur eût rendu impossibles Charles-Quint et Philippe II, Richelieu et Louis XIV.

Si l’on voulait remonter, en effet, à l’origine des calamités qui ont affligé les nations depuis quatre siècles, il faudrait certainement proclamer comme cause principale l’absence de ce contrepoids, qui n’est pas, ainsi que tant d’autres, une combinaison factice créée par les traités, mais le vœu même de la nature, le résultat de la force des choses.

Sans parler des difficultés politiques, la création de cet état si nécessaire rencontrerait en ce siècle des obstacles qui n’existaient pas avant la réformation. La même vie morale circulait parmi ces peuples : Mayence et Cologne, Utrecht et Anvers, Gand, Bruges, Liège et Louvain, étaient liés par une communauté d’intérêts commerciaux et de vieilles habitudes ; tous ces pays, par leur génie autant que par leur position et leur origine, semblaient destinés à former une grande monarchie bourgeoise fondée sur de fortes communes. Jusqu’au seizième siècle, ils apparaissent, en effet, dans l’histoire avec une physionomie propre ; il semble que si le cours naturel des évènemens n’avait pas été contrarié, il se fût élevé là quelque chose de distinct de l’Allemagne, de plus distinct encore de la France, une sorte d’Angleterre continentale où les gros bourgeois auraient joué le rôle des lords, où le patriotisme n’eût pas été sans moralité, l’industrialisme sans entrailles : monarchie représentative dans laquelle le pouvoir royal eût fait tomber des têtes de bourguemestres et de syndics au lieu de celles de grands feudataires, et où la vie du moyen-âge se serait développée par ses deux principaux élémens, la foi catholique et la liberté municipale.

Le fils de Philippe-le-Bon fut, de tous les princes de la maison de Bourgogne, celui qui poursuivit avec le plus d’ardeur la création de cette royauté qu’il fallait imposer en même temps à l’empire et à la France. Malheureusement pour les Pays-Bas comme pour l’Europe, il avait pour adversaire Louis XI, et s’appelait Charles-le-Téméraire.

Le mariage de Marie, sa fille, avec l’archiduc Maximilien, prépara pour un prochain avenir l’anéantissement politique des Pays-Bas, par leur réunion à la maison d’Autriche. Le jour où Philippe-le-Beau quitta la côte de Flandre pour aller prendre possession du riche héritage de Ferdinand et d’Isabelle, la Belgique fut frappée au cœur ; ses dernières espérances s’évanouirent quand l’enfant que les Gantois avaient salué dans son berceau du nom de duc de Luxembourg, se fut appelé Charles-Quint.