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puni par tant de maux de corps et d’esprit, depuis un an, par la perte de tous ses biens, et par une condamnation à la prison perpétuelle.

Le second était sa désobéissance au statut du parlement touchant la suprématie du roi, et le refus qu’il avait fait de donner son opinion. Il dit qu’il n’existait ni statut, ni loi dans le monde qui punît un homme de n’avoir rien dit ni en bien, ni en mal ; qu’il n’y avait de punissable que les actions et les paroles ; que pour les pensées secrètes, Dieu seul en était juge. « C’est de ce silence même qu’on vous accuse, dit brusquement l’attorney. — Le silence implique consentement, répliqua Morus. » Mais, pour qu’on ne tournât pas contre le chrétien cette parole échappée à l’avocat, il se hâta d’ajouter qu’il y avait des cas où l’on devait obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes, et avoir plus de souci de sa conscience que de toute autre chose.

Le troisième chef capital était une prétendue machination contre le statut, prouvée par des lettres écrites de la Tour à l’évêque Fisher, et où Morus encourageait son ami à la résistance. Ces lettres avaient été brûlées par Fisher, ce qui permettait à l’attorney d’y lire tout ce qu’il jugerait bon pour le besoin de la cause. Morus avoua naïvement ce qu’elles contenaient. Plusieurs traitaient de choses privées, comme de leur vieille amitié et accointance ; dans l’une, Morus répondait à Fisher, qui l’avait prié de lui mander ses réponses dans l’affaire du serment, que sa conscience était en repos sur ce point, et qu’il réglât de son côté la sienne pour son plus grand bien.

Une preuve de complot plus forte que ces lettres, et qui formait le quatrième chef, c’était une comparaison commune à Fisher et à Morus, du statut du parlement à un glaive à deux tranchans, tuant l’ame si on s’y soumettait, tuant le corps si on y résistait. Morus expliqua cette conformité dans les deux réponses par la conformité d’esprit et de doctrine qui l’avait, depuis tant d’années, attaché à Fisher. « Pour conclure, dit-il en finissant, je déclare que je n’ai jamais dit un mot contre le statut à aucun homme vivant, encore qu’on ait pu affirmer le contraire à sa majesté. »

L’attorney ne répondit à cette défense que par un mot qui courut dans toute la cour : Malice. Il n’en ajouta pas un second, et il ne prouva pas celui-là. Rich fut interrogé sur son entretien avec