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PÂQUES.

Joseph versa dans l’eau les parfums, et la Mère
Ayant lavé les chairs selon le rite hébreux,
Madeleine survint, qui de sa tresse blonde,
Essuya chaque plaie encor rouge et profonde.
Et tous, par un sentier qu’une flamme éclairait,
Et dont un séraphin semblait garder l’issue,
À travers les graviers et l’hysope touffue,
Portèrent au tombeau Jésus de Nazareth.

Tout à coup, comme on voit à l’aurore nouvelle
Les brouillards de la nuit dans les airs remonter,
Le funèbre linceul, étendu comme une aile,
Sous un vent tiède et pur commença de flotter,
Et bientôt grace à lui le lamentable voile
S’étant par vingt endroits déchiré, l’on put voir
Ses fragmens dispersés, par bande se mouvoir,
Et plus haut dans le ciel la matinale étoile
Trembler et resplendir comme un rayon d’espoir.
Et déjà toute voix affligée et plaintive
Était morte en ce champ de désolation :
Le ciel avait repris sa beauté primitive,
Quand une solennelle et lente explosion
Annonça le soleil à la création.
Du plus sublime point des vastes empyrées,
Comme Rachel ses pleurs, comme un torrent ses eaux,
Le soleil épancha ses lumières sacrées,
Et la flamme, buvant les humides sanglots,
Et les larmes de sang des filles éplorées,
Eut bientôt inondé le Calvaire en ses flots.
Ô vision céleste ! ô prodige ! ô miracle !
Le mont resplendissait comme le tabernacle,
Et l’arbre sur lequel Christ venait de mourir,
Tout à coup dans le champ se mit à refleurir,
Et tel qu’un trépassé qui du tombeau se lève
Plein de vie et d’amour, ouvrit au grand soleil
Ses bras longs et touffus, où comme un sang vermeil
Montait et descendait une nouvelle sève.