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NOUVELLES LETTRES SUR L’HISTOIRE DE FRANCE.

ces faits étranges mais attestés, où la croyance du vieux temps voyait des miracles, et que la science de nos jours a essayé de ressaisir en les attribuant au phénomène de l’état d’extase. Peut-être l’intime conviction d’avoir été exaucé procura-t-elle tout à coup au prisonnier un surcroît extraordinaire de force et d’adresse, et comme un nouveau sens plus subtil et plus puissant que les autres ; peut-être n’y eut-il dans sa délivrance qu’une suite de hasards heureux ; mais, au dire d’un témoin, il réussit à rompre ses fers, à ouvrir la porte et à s’évader. L’évêque Grégoire, qui veillait cette nuit-là dans la basilique de Saint-Médard, le vit entrer, à sa grande surprise, et lui demander, en pleurant, sa bénédiction[1].

Le bruit de cette aventure courant de bouche en bouche, était bien fait pour augmenter, à Soissons, l’effervescence des esprits. Quelque subalterne que fût dans l’état social de l’époque la condition des hommes de race romaine, il y avait, dans la voix de toute une ville s’élevant contre les poursuites intentées à l’évêque de Tours, quelque chose qui devait contrarier au dernier point les adversaires de cet évêque, et agir même en sa faveur sur l’esprit de ses juges. Soit pour soustraire les membres du synode à cette influence, soit pour s’éloigner lui-même du théâtre d’une popularité qui lui déplaisait, Hilperik décida que l’assemblée des évêques et le jugement de la cause auraient lieu au domaine royal de Braine. Il s’y rendit avec sa famille, suivi de tous les évêques déjà réunis à Soissons. Comme il n’y avait point là d’église, mais seulement des oratoires domestiques, les membres du concile reçurent l’ordre de tenir leurs audiences dans l’une des maisons du domaine, peut-être dans la grande halle de bois qui, deux fois chaque année, lorsque le roi résidait à Braine, servait aux assemblées nationales des chefs et des hommes libres de race franke[2].

Le premier évènement qui signala l’ouverture du synode fut un évènement littéraire. Ce fut l’arrivée d’une longue pièce de vers

    miserum visitare ; et qui innocens conligatus fuerat, visitatione Martini præsulis ac Medardi absolveretur. (Ibid.)

  1. Mox disruptis vinculis, confracto cippo, reserato ostio, sancti Medardi basilicam nocte nobis vigilantibus introivit. (Greg. Turon. Hist. lib. v, pag. 263.)
  2. Congregati igitur apud Brennacum villam episcopi, in unam domum residere jussi sunt. (Ibid.)