divine pour ses deux amis et pour quiconque serait enveloppé avec eux dans l’espèce de proscription que la rumeur publique annonçait, et dont ils étaient les premières victimes[1].
Cependant l’ex-comte de Tours, se donnant l’air d’un chef prudent, habitué aux surprises et aux stratagèmes, effectuait son passage de la Loire dans une sorte d’ordonnance militaire. Pour mieux diriger la manœuvre et regarder à la découverte, il avait pris place en tête sur l’avant du radeau ; les prisonniers se trouvaient à l’arrière ; la troupe des gardes occupait le reste du plancher, et cette lourde embarcation était fort chargée de monde. Déjà on avait passé le milieu du fleuve, l’endroit que la force du courant pouvait rendre périlleux, lorsqu’un ordre, donné par Leudaste d’une manière brusque et inconsidérée, amena tout à coup un plus grand nombre de gens sur la partie antérieure du pont. La barque qui lui servait de support, enfonçant par le poids, se remplit d’eau ; le plancher inclina fortement, et la plupart de ceux qui se trouvaient de ce côté, perdirent l’équilibre et furent jetés dans le fleuve. Leudaste y tomba des premiers, et il gagna le bord à la nage, pendant que le radeau, en partie plongeant, en partie soutenu par la seconde barque au-dessus de laquelle se trouvaient les prisonniers enchaînés, faisait route à grande peine, vers le lieu du débarquement[2]. Hormis cet accident, qui manqua de donner force de prédiction littérale au texte du verset de David, le trajet de Tours à Soissons eut lieu sans encombre et avec toute la promptitude possible.
Dès que les deux captifs eurent été amenés devant le roi, leur conducteur fit les plus grands efforts pour exciter contre eux sa colère et lui arracher, avant toute réflexion, une sentence capitale et un ordre d’exécution à mort[3]. Il sentait qu’un pareil coup frappé d’abord rendrait extrêmement critique la position de l’évêque de Tours, et qu’une fois engagé dans cette voie d’atroces vio-
- ↑ In quo ita repertum est : Eduxit eos in spe, et non timuerunt : et inimicos eorum operuit mare. (Greg. Turon. Hist. lib. v. pag. 262.)
- ↑ Navis illa quæ Leudastem vehebat, demergitur ; et nisi nandi fuisset adminiculo liberatus, cum sociis forsitan interisset. Navis vero alia, quæ huic innexa erat, quæ et vinctos vehebat, super aquas, Dei auxilio, elevatur. (Ibid.)
- ↑ Igitur deducti ad regem qui vincti fuerant, incusantur instanter, ut capitali sententia finirentur. (Ibid.)