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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
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14 avril 1836.


Le système de conciliation n’a pas encore fait, que nous sachions, de grands progrès. Le silence et l’inaction du ministère n’ont pas échauffé le zèle de ses amis, ni refroidi l’animosité de ses adversaires. Le ministère vit, il est vrai ; il a évité jusqu’à ce jour les chocs violens, et à l’exception de l’orage que M. Guizot a fait gronder un jour sur lui du haut de la tribune, il a échappé jusqu’à présent aux dangers qui le menaçaient. Mais ce calme apparent cache un état de trouble qui s’aggrave chaque jour ; la majorité qui se tait à la chambre, murmure hautement ailleurs, on se ménage à la tribune, mais on s’attaque avec force dans les couloirs, et les hostilités éclatent jusque dans le salon du président du conseil et contre sa personne. En un mot, les passions contenues un moment se font jour de toutes parts, et ceux qui se croyaient au lendemain d’une victoire, seront bientôt forcés de s’apercevoir qu’ils ne sont encore qu’à la veille d’une grande et décisive bataille.

Il est impossible de ne pas éprouver un vif sentiment d’intérêt en examinant la situation de M. Thiers. Il y a dans l’élévation de M. Thiers au poste de président du conseil quelque chose d’aventureux qui étonne, même après toutes les phases de la rapide fortune de ce ministre, et l’on ne peut se résoudre à croire que cette sagacité et cette vive intelligence qui l’ont amené là, à travers tant d’obstacles, l’aient abandonné au moment décisif où il touchait au but de son ambition. M. Thiers se serait-il laissé porter à la suprême direction des affaires par des sollicitations qu’il eût été sage de repousser, par une nécessité imprévue, par un accident, comme le disent quelques-uns de ses intimes, qui le traitent plus mal que ne feraient ses ennemis ? Serait-il devenu chef du cabinet, à l’improviste, sans projet arrêté, sans système, sans un ensemble de vues politiques ? Son silence serait-il celui d’un homme qui n’a rien à dire, et qui craint de dévoiler le vide de ses pensées ; son inaction, le résultat d’une gêne