cieux. C’est de la même manière que se révèle à nos yeux la vie des belles Italiennes, quand nous les voyons à l’Opéra. La succession des mélodies éveille alors dans leur ame un enchaînement de sentimens, de souvenirs, de souhaits et de douleurs, qui se manifestent à chaque instant dans le mouvement de leurs traits, dans leur rougeur, dans leur pâleur, dans toutes les nuances de leur sourire. Celui qui sait lire, peut lire alors sur ces belles figures bien des choses douces et intéressantes, des histoires aussi attachantes que les nouvelles de Boccace, aussi tendres que les sonnets de Pétrarque, aussi folles que les octaves de l’Arioste, quelquefois aussi des trahisons affreuses, et une méchanceté sublime, aussi poétique que l’enfer de Dante. À certains passages de Rossini, c’est plaisir de regarder les loges. Si du moins les hommes prenaient garde pendant ce temps d’exprimer leur enthousiasme par un vacarme moins horrible ! Cet extravagant tapage des théâtres italiens m’est souvent insupportable. Mais la musique est pour ces hommes l’ame, la vie, la nationalité. Il y a sans doute en d’autres pays des musiciens qui jouissent d’une réputation égale à celle des grands noms italiens, mais non un peuple musical. La musique est représentée en Italie, non par des individus, mais par la population entière chez qui elle se manifeste : ici, la musique s’est faite peuple. Chez nous autres gens du Nord, c’est tout autre chose, la musique se borne à se faire homme, et s’appelle Mozart ou Meyerbeer. Encore, quand on examine de près les chefs-d’œuvre de ces deux génies septentrionaux, y retrouve-t-on le soleil de l’Italie et le parfum de ses orangers, et ils appartiennent bien moins à notre Allemagne qu’à la belle Italie, patrie de la musique. Oui, l’Italie est toujours la patrie de la musique, encore que ses grands maîtres descendent dans la tombe ou deviennent muets, bien que Bellini meure et que Rossini se taise.
— En vérité, dit Maria, Rossini garde un silence obstiné. Voilà, si je ne me trompe, dix ans qu’il est muet.
— C’est peut-être un trait d’esprit de sa part, répondit Maximilien ; il aura voulu prouver que le surnom de Cigne de Pesaro, qu’on lui a décerné, ne lui allait pas du tout. Les cignes chantent à la fin de leur vie, mais Rossini a cessé de chanter dès le milieu de sa carrière ; et je crois qu’il a bien fait, et montré par là qu’il est véritablement un génie. Un artiste qui n’a que du talent conserve jusqu’à la fin