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LES NUITS FLORENTINES.

signe elle quitta la chambre, et Maximilien se trouva seul auprès de son amie Maria. L’appartement ne recevait que la lumière crépusculaire d’une seule lampe, qui jetait de temps à autre quelques lueurs à demi furtives, à demi curieuses, sur la figure de la dame. Celle-ci, entièrement vêtue de mousseline blanche, était étendue sur un sopha de soie verte et sommeillait.

Les bras croisés, Maximilien se tint quelque temps en silence devant la dormeuse, et considéra ses belles formes, que le vêtement léger révélait plus qu’il ne les voilait ; et chaque fois que la lampe envoyait un trait lumineux sur ce pâle visage, son cœur tressaillait. Pour Dieu ! se dit-il tout bas, qu’est cela ? Quel souvenir s’éveille ? Oui, je le sais maintenant : cette figure blanche sur un fond vert…oh ! oui, maintenant…

En ce moment la malade s’éveilla, et, cherchant autour d’elle, comme au milieu d’un songe, ses yeux doux et d’un bleu profond jetèrent sur son ami des regards interrogateurs et supplians… — À quoi pensiez-vous, Maximilien ? dit-elle avec cette voix soyeuse et fêlée qu’on reconnaît aux phthisiques, et qui a du vagissement de l’enfant, du gazouillement de l’oiseau et du râle du mourant ; à quoi pensiez-vous dans ce moment, Maximilien ? reprit-elle, et elle se leva si précipitamment, que ses longues tresses se déroulèrent autour de sa tête comme des bandelettes d’or.

— Pour Dieu ! s’écria Maximilien, en la forçant doucement à se recoucher sur le sopha, demeurez en repos, ne parlez pas ; je vais tout vous dire, tout ce que je pense, tout ce que j’éprouve, peut-être tout ce que moi-même j’ignore encore.

En effet, continua-t-il, je ne sais pas bien au juste ce que je pensais et sentais tout à l’heure. Des images du temps de mon enfance surgissaient dans le demi-jour de ma mémoire ; je songeais au château de ma mère, au jardin délaissé, à la belle statue de marbre renversée sur le gazon… J’ai dit le château de ma mère ; mais, en vérité, ne vous figurez, je vous prie, rien de magnifique ni de splendide. Je me suis habitué depuis long-temps à cette dénomination. Mon père donnait une singulière expression à ces mots : le château ! et il souriait en même temps d’une façon toute particulière. Je ne compris le sens de ce sourire que plus tard, quand, à l’âge de douze ans, je fis, avec ma mère, un voyage au château. C’était mon premier voyage. Nous roulâmes tout le jour dans une forêt