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une branche importante du revenu de l’état. Cet élément, c’est le sucre de betteraves.

Fruit du progrès des sciences et de l’avancement de l’esprit humain, le sucre de betteraves, traité d’abord avec dédain, puis mieux apprécié dans ses conséquences lors de l’enquête de 1828, s’est agrandi par l’effet des mesures prises pour la protection du sucre colonial. De nouveaux intérêts s’y sont rattachés, et comme toutes les industries qui ne se sont développées que par les taxes et les primes, on ne peut aujourd’hui songer à le soumettre à l’impôt sans exciter des réclamations bien naturelles.

Tel sera toujours le sort des gouvernans qui croiront pouvoir impunément sortir dans leurs actes des vrais principes d’une sage économie politique qui sont plus applicables qu’on ne le suppose. En refusant les faveurs qu’on leur demande, les monopoles dont on veut s’emparer, qu’ils songent par prévision aux embarras futurs auxquels ils échappent, et alors s’ils ne ramènent pas les solliciteurs jusqu’au régime de liberté complète, au moins ils les conduiront bien près de la limite, afin que cette ligne de séparation puisse être aisément franchie. Aujourd’hui, il ne peut manquer d’y avoir une secousse, mais la question des sucres est engagée et ne peut plus échapper à une solution. Nous allons en examiner les principaux termes.

L’existence des colonies est peu populaire en France. On y oublie que les colons sont Français, et, pour avoir le droit de leur être défavorable, on leur reproche les défauts qui leur sont communs avec les hommes même qui les accusent. Quelques-uns voudraient pouvoir être impunément injustes envers eux, et, pour se débarrasser de l’idée fâcheuse que la nation française a été puissante sur mer, grande par ses possessions éloignées, ils voudraient l’abandon de ces derniers restes de sa domination.

Que n’avons-nous pas entendu à la tribune française, de la part de ces hommes légers dont l’opinion se forme, sans recherches et sans étude, d’après de fugitives impressions ? L’utilité des colonies, leur état social, qu’elles n’ont pas créé, mais qu’elles ont reçu de nos ancêtres à tous, et auquel elles adhèrent comme les hommes tiennent à tout ce qui fait leur richesse et leur fortune, leur valeur et le courage de leurs habitans pendant la lutte que soutenait la mère-patrie, tout cela est méconnu ou mal apprécié. Les colons néanmoins gardent le souvenir de leur origine et un profond sentiment de leur qualité de Français, et dans une circonstance aussi grave, tout ce qu’ils réclament, c’est que la métropole n’abuse pas du pouvoir qu’elle a de faire des lois pour eux.

La métropole et ses colonies n’ont pas de traité à faire ensemble ; ce ne sont pas des puissances égales, et l’une d’elles décide seule. Elle doit