Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 6.djvu/198

Cette page a été validée par deux contributeurs.
194
REVUE DES DEUX MONDES.

lier. Par exemple, pour les fers et aciers bruts étrangers, une ordonnance de 1818 les admet, venant des ports de France, au cinquième des droits portés au tarif général de la France. Une autre ordonnance du 9 novembre 1832 rend permanente la faculté d’importer des farines aux Antilles sous un droit de 21 fr. 50 cent. par baril ; mais que peut-il résulter de ces facultés nouvelles ?

Les droits établis par l’ordonnance du 5 février portent avec modération sur une longue liste d’articles dont la consommation est à peu près nulle dans les colonies, et qui ne sont énumérés que pour être recensés occasionnellement dans des tableaux de douane. Ils frappent durement, en revanche, les objets qui peuvent fournir aux besoins de la vie et à l’économie domestique, surtout lorsque la métropole en produit d’analogues. Les farines étrangères, taxées d’une manière prohibitive, sont destinées, ainsi que l’avoue le rapport qui précède l’ordonnance, à n’être importées que lorsque le prix de la farine de Moissac dépassera, à Bordeaux, 46 francs. Quant au fer brut, quel grand emploi peut-il avoir dans des colonies où il n’y a pas d’industrie manufacturière et où la main-d’œuvre est si chère ?

Le prix de la farine, variable suivant les récoltes et aussi suivant les bénéfices que peuvent promettre d’autres cultures, a été, aux États-Unis, souvent pendant des périodes fort longues, à 4 ou 4 dollars 1/2 le baril. Le frêt de Norfolk aux Antilles ne peut dépasser 5 francs, de sorte que si ces farines payaient le même droit que les farines françaises, soit 52 centimes, la valeur, même en supposant le prix d’achat à 5 dollars, ne pourrait s’en établir au-dessus de 25 à 50 francs. L’époque actuelle est à la vérité peu favorable à ce calcul, la farine étant fort chère cette année aux États-Unis, bien qu’au-dessous des prix de France ; mais à 2 ou 5 francs près, le cours des farines de la métropole est généralement supérieur de toute la valeur du droit au prix de revient qu’établirait la concurrence. Les colons, en raison des variations de hausse qu’amène la dépendance, dans laquelle on les tient, des plaines du Languedoc, pour cette partie de leur subsistance, supportent donc réellement une extra-valeur de 21 francs par chaque baril de farine qu’ils consomment. Avant que ce régime, tout mauvais qu’il est, fût établi, les Antilles étaient à la discrétion tellement complète de la métropole, que la crise commerciale de 1831 détournant toutes les idées d’entreprises, les armateurs de nos ports oublièrent leurs correspondans des colonies. Aucun renfort de farine n’arrivait, et cet article devint si rare et si cher, que la taxe du pain, à la Martinique, finit par dépasser 2 francs le  kilog. Cette époque est bien près de nous, et tout ce qu’elle a amené, c’est un droit prohibitif permanent qui impose les deux îles à 1,200,000 francs de valeur accrue,