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due au soleil, rêve ou s’endort, ou fait semblant ; tandis qu’un jeune pâtre indolent balance dans l’air une belle grappe de raisin qu’un enfant dévore des yeux. Plus loin un bosquet et des danses ; à l’horizon, la mer et le volcan. Vers la gauche, un jeune homme assis, la guitare à la main, fredonne une canzonette :


Io son ricco, è tu sei bella.
Nina mia, che vuoi di più ?
...........
Ci fosse Nemorino !
Me lo vorrei goder.
Ci fosse Nemorino !


Ce n’est peut-être pas cet air-là ; mais je me le figure parce que je l’aime, et que, malgré moi, je marie ce qui me plaît. Voyez-vous ce petit moinillon, qui retrousse son froc, comme il écoute ! Le petit drôle chante déjà au lutrin. Mais regardez ma belle paysanne. Elle est debout, le menton dans sa main ; quels yeux ! quelle bouche ! à quoi songe-t-elle ?


Si, si, l’avremo, cara.


Vous serez aimée et cajolée, autant qu’il vous plaira de l’être. Mais je m’en vais, crainte de prévariquer. Il est dangereux de s’ériger en juge, quand on n’est pas d’âge à être député.

L’Hiver de M. Cabat vient à propos, pour me sauver de la tentation. Il n’y a rien de plus calmant qu’une vieille femme morte de froid. Encore ne suis-je pas bien sûr que ce ne soit pas un bûcheron. Je ne reconnais pas, dans ce paysage, la touche ordinaire de l’artiste. C’est cependant le plus important qu’il ait exposé cette année. Si on le signait d’un nom flamand, même d’un nom célèbre, on pourrait s’y tromper.

Je regrette de n’avoir pas gardé une place distincte aux paysagistes, car je trouve tant de noms sous ma plume, que je suis sûr d’en oublier. Dans le premier salon, MM. Gué et Hostein doivent être cités honorablement ; dans la galerie, MM. Mercey, Jolivard et Bucquet, talens remarquables, ainsi que M. Joyant, qui a exposé de jolies vues vénitiennes ; MM. Rousseau, Danvin, Veillat, Corot,