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son rival, plus heureux, pouvait espérer au-delà de sa vie militante une autre carrière plus paisible où son ambition rencontrerait encore des satisfactions plus profondes.

Il y a deux ans, n’a-t-on pas vu en novembre 1834, six mois seulement après les troubles d’avril, le parti doctrinaire, embarrassé du calme qui régnait autour de lui, tomber sous lui-même. Ce qui vient de se passer en février 1836 n’est que la suite de la même situation, mais plus nette, plus décidée. Il est de la destinée de M. Guizot d’être congédié avec empressement par le pouvoir, sitôt que les nécessités extrêmes touchent à leur terme.

M. Guizot a trop d’esprit pour n’avoir pas cherché à corriger par ses efforts industrieux l’ingratitude de cette situation. On l’a vu, cachant sous un front grave des passions ardentes, substituer, à force de volonté, le ministre calme et travailleur au contre-révolutionnaire ulcéré. Mais malgré cette habileté, dont après tout, les sciences et les lettres ont profité, et qui devait perpétuer sa carrière ministérielle, M. Guizot est tombé encore une fois, blessé par ses propres victoires.

Oui, cet homme d’état a un insigne talent ; il a de l’habileté ; il a donné à son parti de la tenue, et les apparences de la profondeur ; mais pénétrez au fond, il n’a que les dehors de la force et n’en a pas la réalité. Il se vante de comprendre mieux son siècle qu’aucun autre ; il l’ignore ; il a au fond de son cœur un effroi systématique des progrès de l’homme et du genre humain. Savant illustre, il déclarerait volontiers suspect un mouvement trop vif de la science ; il n’aime pas les ténèbres pour lui-même, mais il craint le grand jour pour les autres, et travaille à retenir la société dans une certaine médiocrité de lumière, d’instruction et de bonheur.

Ajoutons à ces dispositions une raideur qui demeure immobile au milieu des transformations sociales. Ainsi M. Guizot a fait à deux ans de distance le même discours. Le 12 mars 1834 et le 24 mars 1836, il a prononcé la même harangue avec quelques différences que nous relèverons.

Pour les ressemblances, elles sont nombreuses. En 1836 comme en 1834, M. Guizot divise la France en trois camps destinés réciproquement à des hostilités perpétuelles.

En 1834, M. Guizot disait à l’opposition comme en 1836 : « Vous