tion, qui parut en 1830, le beau monument historique élevé par M. Augustin Thierry était arrivé à tout le degré de perfection qu’on pouvait désirer. Cette histoire, qui, en ne s’appuyant que sur des faits critiqués et bien éclaircis, a su être si neuve, et a amené une révolution presque soudaine dans l’étude du moyen-âge, se présente (ce qui lui est propre entre les autres histoires, d’ailleurs remarquables, publiées de nos jours) avec un caractère singulier de composition, d’art, et, on peut le dire, de beauté. « À mon avis, dit M. Augustin Thierry dans son avertissement, toute composition historique est un travail d’art autant que d’érudition : le soin de la forme et du style n’y est pas moins nécessaire que la critique des faits. » Le concours de tant de mérites éminens, de tant de vie et de tant de sobriété, de tant de nouveauté et de tant de justesse, d’un pittoresque si exact, si réel, et d’un ton si grave, si élevé, assure à jamais à l’Histoire de M. Thierry une place à part ; nous sommes déjà pour elle la postérité. Mais ce n’est pas la dernière œuvre de l’illustre auteur ; sa pensée vigoureuse et lucide, aidée d’une autre pensée affectueuse et attentive, a su triompher du malheur qui semblait devoir l’enchaîner. Ses nouvelles Lettres sur l’Histoire de France marquent assez cet avenir qui lui reste, et qu’il conquiert avec un courage ferme comme son talent
Le Théâtre-Italien vient de clore dignement la saison musicale de cette année par la mise en scène d’un opéra nouveau de M. Mercadante. L’auteur d’Elisa e Claudio, homme d’un bon sens rare et d’un talent plus que distingué, est du petit nombre de ces artistes insoucians et modestes, qui, voyant de bonne heure, quelles facultés surnaturelles exige le travail de la création pure et combien peu il est donné à tous d’atteindre la première place, prennent volontiers la seconde, et plutôt que de suer sang et eau à gravir inutilement des pics arides, cheminent tranquillement à l’ombre, le long des saules verts : verdi salci piantati ai lieti giorni, laissant à d’autres moins sages les soucis cuisans du succès, les susceptibilités puériles et les ambitieuses préoccupations de la gloire. Aussi, avant que M. Mercadante eut émis son opéra pour le Théâtre-Italien, personne en France ne le connaissait encore, ce qui toutefois n’empêchait pas M. Mercadante d’avoir fait deux partitions fort remarquables, et surtout cet admirable duo d’Elisa e Claudio, qui vaut mieux que trois partitions.
Aux termes de son engagement, M. Mercadante est venu en France pour écrire un opéra, et certes ce mot-là me semble parfaitement choisi : scriturare. Le pauvre maestro, en arrivant, n’avait devant lui que tout juste le temps nécessaire à cette œuvre toute matérielle. C’est pourquoi je trouve fort ridicule qu’on vienne lui reprocher certaines négligences dans la composition générale de son œuvre et le choix de ses