Page:Revue des Deux Mondes - 1836 - tome 6.djvu/115

Cette page a été validée par deux contributeurs.
111
LA PRESSE FRANÇAISE.

jouit en Angleterre, il ne faut s’en prendre qu’aux entraves de toute espèce qu’on se plaît à semer sur sa route. Si les directeurs, ceux du moins qui sont hommes de sens et de bonne intention, pouvaient consacrer à la rédaction les sommes énormes englouties par l’impôt, ils s’empresseraient de réaliser les améliorations dont ils sentent mieux que tous autres la valeur.

RÉSUMÉ GÉNÉRAL.

Rappelons ici nos précédens calculs sur la librairie. 82,298 feuilles typographiques, multipliées par 1,500, moyenne approximative du tirage, ont répandu cent vingt-cinq millions de feuilles imprimées. Le journalisme, dont la production ne peut être établie rigoureusement, livre au public une matière non moins abondante, eu égard à la petitesse des caractères qu’il emploie ; et le nombre des feuilles qu’il met en circulation, n’est peut-être pas inférieur à celui du commerce régulier. En admettant cette évaluation, on publierait chaque jour en France la valeur de vingt volumes in-8o, ou 2,560,000 pages pour l’année entière. Enfin, cinq cent mille rames de papier au moins ont reçu l’impression. Si toutes ces feuilles étaient ajoutées l’une à l’autre, de façon à former un immense ruban, on en ferait trois fois le tour de la terre !

Quand on examine l’accroissement annuel des produits de la presse, on a peine à retenir des phrases banales sur l’activité des esprits, et la diffusion des lumières. Mais revenu du premier saisissement, on reconnaît que la masse du papier noirci est plutôt un embarras qu’une richesse, et qu’on ne doit tenir compte que des travaux réels, achevés, nécessaires, soit qu’ils répondent aux besoins matériels ou à ceux de l’intelligence. D’après ce principe, un inventaire consciencieux de plus de quatre mille ouvrages, n’ayant fourni qu’un très petit nombre de livres durables, on doit en conclure que l’année 1835 a été des plus stériles.

Cette impuissance n’annonce pas l’affaissement du génie national ; elle s’explique très naturellement par la constitution présente de notre société littéraire. Les deux révolutions opérées au profit de l’intelligence ont propagé les habitudes studieuses. Pour les classes favorisées, le goût de la lecture est devenu un besoin, dont la satisfaction est impérieusement commandée par l’hygiène de l’esprit. Mais en même temps se développait l’industrie dont l’instinct est de spéculer sur tous les besoins. La fabrication des livres s’étendit bientôt au point de sortir du commerce ordinaire de la librairie. Le premier venu, avec un peu d’argent ou de crédit, et sans autre apprentissage que celui du charlatanisme, leva enseigne d’éditeur. Les ressources du public paraissant s’accroître en même temps que la production, on se figura qu’elles étaient inépuisables ; et