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plus effrayé. Tout est et restera mystère dans la physiologie de cet organe par lequel se manifeste la vie des nations modernes. Les faits matériels sont des plus variables : les faits moraux échappent sans cesse à l’observation. On ne découvre rien que d’un peu haut, et alors quel spectacle ! Des tribunes qui s’élèvent, d’autres qui s’écroulent. Mille voix se font entendre en même temps, un jour à l’unisson, le lendemain désordonnées, discordantes. Celui qui prend la parole ne sait pas qui l’écoute, si toutefois il a chance d’être écouté ; et lorsque ceux qui reçoivent une opinion en connaissent la source, c’est tout au plus par les deux ou trois syllabes qui composent un nom. Les avis ainsi lancés se heurtent, se repoussent, s’absorbent, et font leur chemin plus ou moins long, selon le nombre de feuilles que l’oracle a jetées au vent. Et cependant ce pêle-mêle de mots provoque une fermentation qui féconde certaines idées. Qu’un homme habile s’en empare, il peut faire école, acquérir de l’autorité, et fonder en faveur de ses adeptes une dynastie de réputations. C’est ainsi qu’il arrive en politique, en morale, en littérature, en science, y compris la grande science du savoir-faire. Et le public ? Il regarde avec complaisance le siècle qui marche, de même que l’écolier voit marcher arbres et maisons semés sur la rive, quand c’est le courant qui l’entraîne, Dieu sait où !

La première notion sur les journaux, leur existence, n’est pas même facile à établir. On peut bien dire : Tant de feuilles paraissaient tel jour ; mais le calcul n’est déjà plus valable le lendemain. Il faudrait tenir un compte courant pour les naissances et les extinctions. Contentons-nous d’indiquer le nombre des journaux existant à l’époque qui est notre point de départ, le premier janvier 1835.

Il serait injuste de confondre dans la foule les grandes entreprises dont la vie matérielle est suffisamment garantie par le succès, ou par le dévouement des fondateurs : ce sont les feuilles quotidiennes, qui ont voix délibérative sur toutes les questions du moment ; on en comptait 21 ; — les Revues, consacrées plus particulièrement aux discussions plus graves, plus développées, de l’ordre historique, philosophique ou littéraire, et qui font souvent œuvre d’art en abordant les arides problèmes qui intéressent la société ; 3 ou 4 méritaient d’être distinguées : — enfin, les petits journaux satiriques, au nombre de 5.

Le surplus peut être enrégimenté de la sorte : Journaux politiques, non quotidiens pour la plupart, et merveilleusement assortis en nuances, 27 ; religieux et moraux, 24, dont 10 protestans ; — législation et jurisprudence, 38 ; — économie politique et administration, 3 ; — histoire, statistique, voyages, 12 ; littérature, 44 ; — beaux-arts, peinture et musique, 9 ; — art théâtral, 2 ; — sciences mathématiques et naturelles, 15 ; — médecine, 28 ; — art militaire et marine, 12 ; —