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REVUE DES DEUX MONDES.

Voici l’état des pièces jouées et livrées à l’impression. — Théâtre Français, 6 ; quatre grands drames et deux petites comédies. Chatterton, Angelo, Don Juan d’Autriche, représentent fidèlement les théories modernes qui se disputent la scène française. — Opéra, 3 ouvrages, la Juive, de M. Scribe, et deux livrets de pantomimes. — Opéra-Italien, 5 ouvrages. — Opéra-Comique, 6 pièces ou 11 actes, dont 6 de M. Scribe. — Théâtres de vaudevilles : Gymnase, 16 ; Vaudeville, 20 ; Variétés, 26 ; Palais-Royal, 20. — Théâtre de la Porte-Saint-Martin, 5 mélodrames et 2 petites pièces. — Ambigu-Comique, 10 mélodrames et 5 vaudevilles. — Cirque-Olympique, 3 mélodrames et 4 vaudevilles. — Théâtres du dernier ordre, 14 vaudevilles et 2 mélodrames seulement : cette proportion est remarquable.

On a en outre réimprimé 65 pièces récentes. Si tous ceux à qui on refuse l’épreuve de la scène livraient leurs ébauches à l’impression, on pourrait en former des montagnes ; mais 36 auteurs seulement se sont décidés à faire les frais d’un appel au public. En somme, 273 publications fournissent 838 feuilles-types, qu’on peut multiplier par 1,000, moyenne approximative du tirage.

Sur les 151 pièces représentées, les journaux, grands et petits, ont proclamé au moins 130 succès. Qu’on reproche encore à la critique de ne pas encourager les talens !


iv. Poésie. — Nous vivons dans un siècle anti-poétique ; les faiseurs de vers le disent du moins. Ils ignorent sans doute que le quart de l’année dernière eût été insuffisant pour lire tout ce qu’on a produit en ce genre. Les imprimés seuls donnent 299 publications, au nombre desquelles se trouvent plus de 100 gros volumes : le tout forme 1,220 feuilles typiques, qui représentent environ 400,000 douzaines de syllabes. 50 ouvrages au moins laissent deviner un travail de plus d’une année. Qui connaît de nom seulement leurs auteurs ? En supposant que ceux-ci aient quelque chose à dire au public, quelle chance ont-ils de se faire entendre du milieu de la foule où ils se trouvent comprimés ?

Oui, les temps sont devenus bien durs pour les poètes ! Jadis, quand la Renommée avait des temples, ils en étaient les desservans ordinaires ; mais l’ingrate déesse a vendu aux journalistes ses cent voix et les plumes bigarrées de ses ailes. Les collatéraux de ceux qui furent les dispensateurs de la gloire sont réduits pour eux-mêmes aux sèches annonces qu’il faut payer à la ligne, et que l’abonné remarque trop rarement. Si quelqu’un pense que les fortunes poétiques, si rares de nos jours, sont injustement réparties, qu’il se mette en devoir de signaler les génies méconnus. Nous désirons, pour notre compte, participer à la bonne œuvre, en éclairant ses recherches par le relevé qui va suivre.