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esprit qui lui faisait préférer le but aux instrumens, et ce but, quand il l’avait choisi, reconnu digne d’efforts, il savait qu’on pouvait l’atteindre, n’importe comment, et s’inquiétait fort peu du reste. C’est encore ainsi qu’il nous apparaît dans le livre du docteur Vogel. La fin qu’il a constamment devant les yeux est l’avancement de l’art et de la science. Ministre d’un département tout intellectuel, il ordonne, surveille et n’en croit que lui-même. Son activité est incroyable, il fait face à tout et rédige toutes les minutes de la correspondance, même la plus insignifiante en apparence. Il se sert adroitement de ses subordonnés, ménage l’amour-propre des forts, n’accueille qu’avec un mépris cruel les prétentions des faibles, et prend à cœur les intérêts de son monde, ce dont le docteur Vogel le loue beaucoup, quoiqu’on pût dire qu’il ne le faisait peut-être que comme le fermier qui nourrit bien son bétail de labour. La correspondance entre le duc de Saxe-Weimar et son ministre est souvent curieuse : Goëthe a beau répondre avec de l’altesse au tutoiement familier du souverain, on sent qu’il est le véritable maître. Il se permet parfois de contredire l’altesse, et cela en style peu bureaucratique. Un fait remarquable est que le duc de Weimar était bien plus friand de popularité que son ministre : il mit à la disposition des étudians son cabinet particulier de tableaux et les eaux-fortes des grands maîtres, qu’il fit détacher de la bibliothèque, quelques bonnes raisons que lui donnât Goëthe pour l’empêcher de le faire. Heureux les peuples, heureux les princes dans les états où l’on n’a pas assez d’argent pour batailler, où il en reste assez pour protéger dans une mesure convenable l’art et la science !

Uber die thronfolgeordnung in Grossbritannien, etc. (De l’Ordre de succession au trône en Angleterre et en Hanovre, et des prétentions de Frédéric-Auguste et Auguste-Emma d’Este), par Karl-Ernst Schmid, professeur de droit à Iéna

Aujourd’hui que les questions de généalogie ne sont le plus souvent qu’accessoires dans les changemens politiques, et qu’une assemblée législative ou même un conseil de famille royale peut changer l’ordre de succession, comme nous en avons de récens exemples, on serait fort excusable d’ignorer qu’il existe deux cent trente-quatre ayant-droit à la couronne d’Angleterre. Ce nombre qu’a rendu si grand l’aptitude à succéder qu’ont, dans ce pays, les princesses de sang royal, le serait encore davantage, si les individus appartenant à la religion catholique n’étaient pas exclus par les lois du royaume-uni. Deux nouveaux individus réclament maintenant le droit de porter à deux cent trente-six le chiffre des appelés. Il est vrai que le rang auquel ils prétendent, vaut