la montagne. C’est une déclaration de guerre en règle ; il y a des périls, des combats, et, chose qu’il ne faut pas oublier, l’amour de la gloire n’est pas étranger à ces aventureuses résolutions. Et d’ailleurs, le gouvernement lui-même prend soin de réhabiliter ces professions indisciplinées, en traitant avec elles de puissance à puissance. Ce sont là sans doute des instincts barbares, antisociaux ; mais ce ne sont pas des instincts bas. Ils accusent de l’énergie, de la vitalité, de l’audace ; et, pour ma part, je préfère ces hardis coupables au juge qui puise ses arrêts dans la bourse du plaideur.
Ces vices sont nés d’un état social mauvais ; un état social meilleur doit les corriger, et tourner au bénéfice de l’ordre et du droit ces instrumens de désordre et de violence. Mais la part faite au mal, celle du bien est belle encore. Comme toutes les organisations fortes, le peuple espagnol à de grands défauts unit de grandes vertus. Il est brave, patient, fidèle, sobre comme Cincinnatus, doué d’une indomptable ténacité. Sa fierté a passé en proverbe, et sa délicatesse sur le point d’honneur a trouvé un beau mot (pundonoroso), qui nous manque, et qui exprime brièvement cette chevaleresque idée. La chevalerie est descendue dans le peuple ; elle n’est plus que là. Ne sont-ce pas là les élémens d’une grande nation ? Or, ces élémens existant, il n’y a pas à désespérer de la vieille Espagne ; il y a pour elle encore, dans l’avenir, des jours de gloire et de puissance.
Pour cela, il est nécessaire que l’idée sociale pénètre ces masses inertes et les électrise ; ce miracle ne saurait s’accomplir par les moyens dits parlementaires. Il faut aller au cœur du peuple, lui parler un langage qu’il entende. L’agio, grace au ciel, le touche peu ; l’argot des banquiers n’a pas cours chez lui. Il faudrait, pour l’émouvoir, pour l’entraîner, une espèce de guerrier sacerdotal, un homme moitié soldat, moitié prêtre, qui le menât à la bataille en lui parlant de Dieu, à la liberté par la gloire. Que cet homme-là se présente, il est le dictateur de l’Espagne ; l’Espagne est à lui. Quand le nom de Napoléon eut passé les Pyrénées, les imaginations populaires fermentèrent ; le Corse était leur homme. On l’attendait comme le régénérateur, c’était le grand Veltro de Dante, un nouveau rédempteur. Ici Napoléon manqua d’intelligence ; il ne comprit pas la nation espagnole ; ou s’il la comprit, ce fut trop tard, et quand il n’était plus temps. Du reste, il l’a durement expié, et la