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goût, on en veut d’autres. Il s’agit, en effet, d’une nouvelle expédition, non plus contre les prisons, puisqu’elles étaient vidées, mais contre les maisons des facciosos. On en avait déjà arrêté plusieurs dans la journée du 6, et ils avaient été déportés à Ceuta avec les prisonniers. La terreur régnait sous le toit des carlistes.

Mais cette fois, ils en furent quittes pour la peur ; la vengeance n’envahit pas leurs foyers : on se contenta de demander, et l’on avait raison, la destitution de tous les employés placés par Calomarde ; le nombre à Valence en était grand, à commencer par le régent de l’audience, carliste affiché, qui fut le premier suspendu de ses fonctions. Malheureusement, les exigences des bourgeois étaient peu désintéressées ; le soir même, plus de cinq cents demandes de places avaient été déposées, par les urbains eux-mêmes, au palais du capitaine-général : j’ai vu les pétitions.

Les choses continuèrent à traîner ainsi pendant plusieurs jours, sans qu’une pareille anarchie étonnât personne : le désordre est l’élément naturel du peuple espagnol ; c’est son milieu. Les nouvelles de Barcelone venaient seules de temps en temps imprimer une secousse à ce char embourbé. On apprit successivement l’expulsion de Llauder, le massacre de Basa et l’installation de la junte. C’est alors seulement que s’associant à la grande campagne entreprise par Saragosse et poursuivie par les Catalans, Valence déclara la guerre au ministère Toreno. L’alboroto se résuma en une junte qui fut une des plus pâles et des moins explicites. Il suffit de dire qu’elle se mit sous la tutelle de ce même comte Almodovar, qui avait inspiré si peu de confiance dans la journée du 6 ; et il y a lieu de croire qu’elle n’a même jamais entièrement rompu avec le gouvernement central. Mais je n’ai pas à m’occuper ici de la junte qui ne s’organisa que plus tard, je n’ai voulu que raconter l’alboroto qui en fut le prélude, et dont je fus le témoin. Cette page d’histoire contemporaine m’apparaît comme une espèce de tragicomédie, dans la manière de Caldéron ; la chute du comte de Toreno en forme le dénouement, et l’alboroto la première journée ; mais le rideau n’est pas encore tombé sur cette première journée, elle se terminera par une scène de meurtre.

Le dimanche suivant, 9 août, comme je revenais de Murviédro, où j’avais été saluer les intrépides mânes de ces Sagontins morts sur le bûcher de la liberté, je vis un rassemblement devant l’église