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REVUE DES DEUX MONDES.

Il en sort, le matin, une lente fumée,
(Voyez) belle au soleil, blanche et torse en vapeur !

Le clair ruisseau des monts coule auprès ; n’ayez peur
D’approcher comme lui ; quand l’ame est bien formée,
On est humble, on se sait, pauvre race, semée
Aux rocs, aux durs sentiers, partout où vit un cœur !

Sous ce toit affaissé de terre et de verdure,
Par ce chemin rampant jusqu’à la porte obscure,
Venez ; plus naturel, le pauvre a ses trésors :

Un cœur doux, patient, bénissant sur sa route,
Qui, s’il supportait moins, bénirait moins sans doute…
Ne restez plus ainsi, ne restez pas dehors !


Si Lamartine se souvient d’une scène, d’un paysage qu’il ne peut revoir, il le reproduit, il le décrit avec abondance et limpidité, avec tendresse : ainsi Milly, ainsi son Lac, ainsi les souvenirs de Jocelyn. Je prendrai encore dans le recueil de Yarrow revisited un endroit. C’est un souvenir qu’a le poète d’un site de la Clyde, qu’il a visité autrefois, et que quelque circonstance, dans son second voyage, l’empêche de revoir. Wordsworth analyse son regret ; il est près de s’affliger d’abord, puis il se dit, comme Coleridge retenu dans son bosquet de tilleul, qu’il y a moyen d’éluder le regret, de le racheter par la mémoire, par la pensée. C’est un véritable sonnet psychologique, fait pour plaire à Reid, à Stewart, à M. Jouffroy. Nous essaierons de le rendre :


LE CHATEAU DE BOTHWELL.

Dans les tours de Bothwell, prisonnier autrefois,
Plus d’un brave oubliait (tant cette Clyde est belle)
De pleurer son malheur et sa cause fidèle.
Moi-même, en d’autres temps ; je vins là ; — je vous vois

Dans ma pensée encor, flots courans, sous vos bois !
Mais, quoique revenu près des bords que j’appelle,
Je ne puis rendre aux lieux de visite nouvelle.
— Regret ! — Passé léger, m’allez-vous être un poids ?…

Mieux vaut remercier une ancienne journée
Pour la joie au soleil librement couronnée,
Que d’aigrir son désir contre un présent jaloux.